Rétention des enfants étrangers : dans deux affaires, la France est condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme

, par Valérie Marchand

C’est, depuis 2012, la douzième condamnation de la France en raison de ce traitement inhumain et dégradant infligé à des mineurs. Une des deux affaires concerne un nourrisson de 7 mois.

Lien vers les arrêts et extraits :
 AFFAIRE A.C. ET M.C. c. FRANCE

41. La Cour a déjà relevé que les conditions d’accueil au centre de rétention de Metz-Queuleu, bien que nécessairement sources importantes de stress et d’angoisse pour un enfant en bas âge, ne sont pas suffisantes à elles seules pour que soit atteint le seuil de gravité requis pour tomber sous le coup de l’article 3 (A.M. et autres c. France, précité, § 51 et N.B. et autres c. France, précité, § 50). Elle réaffirme, en revanche, qu’au-delà d’une brève période de rétention, la répétition et l’accumulation des effets engendrés, en particulier sur le plan psychique et émotionnel, par une privation de liberté entraînent nécessairement des conséquences néfastes sur un enfant en bas âge, dépassant alors le seuil de gravité précité. Il s’ensuit que l’écoulement du temps revêt à cet égard une importance particulière.
42. Il reste à appliquer le critère relatif à la durée de la rétention. La Cour relève que même si, ainsi que le fait valoir le Gouvernement, les autorités nationales ont, dans un premier temps, mis en œuvre toutes les diligences requises pour exécuter au plus vite la mesure de transfert et limiter ainsi la durée de la rétention autant que possible, le droit absolu protégé par l’article 3 interdit qu’un mineur accompagné soit maintenu en rétention dans les conditions précitées pendant une période dont la durée excessive a contribué au franchissement du seuil de gravité prohibé. La Cour rappelle que le comportement du parent, à savoir, dans la présente affaire, le refus de la première requérante d’embarquer, n’est pas déterminant quant à la question de savoir si le seuil de gravité prohibé est franchi à l’égard de l’enfant mineur (M.D. et A.D. c. France, précité, § 70).
43. Compte tenu du très jeune âge du second requérant, des conditions d’accueil dans le centre de rétention de Metz-Queuleu et de la durée du placement en rétention qui s’est déroulé sur neuf jours, la Cour considère que les autorités compétentes l’ont soumis, à un traitement qui a dépassé le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention. Eu égard aux liens inséparables qui unissent une mère et son bébé de sept mois et demi, ainsi qu’aux émotions qu’ils partagent, la Cour estime qu’il en va de même, dans les circonstances particulières de l’espèce, s’agissant de la première requérante.
44. Partant, il y a eu violation de l’article 3 de la Convention à leur égard.

 AFFAIRE A.M. ET AUTRES c. FRANCE

14. La Cour a déjà relevé que les conditions d’accueil au centre de rétention no 2 du Mesnil-Amelot, bien que nécessairement sources importantes de stress et d’angoisse pour un enfant mineur, ne sont pas suffisantes à elles seules pour que soit atteint le seuil de gravité requis pour tomber sous le coup de l’article 3 (M.D. et A.D. c. France, précité, § 69). Elle réaffirme, en revanche, qu’au-delà d’une brève période de rétention, la répétition et l’accumulation des effets engendrés, en particulier sur le plan psychique et émotionnel, par une privation de liberté entraînent nécessairement des conséquences néfastes sur un enfant mineur, notamment pour un enfant en bas âge, dépassant alors le seuil de gravité précité. Il s’ensuit que l’écoulement du temps revêt à cet égard une importance particulière.
15. Il reste à appliquer le critère relatif à la durée de la rétention. La Cour rappelle que le droit absolu protégé par l’article 3 interdit qu’un mineur accompagné soit maintenu en rétention dans les conditions précitées pendant une période dont la durée excessive a contribué au franchissement du seuil de gravité prohibé. En l’espèce, la rétention s’est déroulée sur une période de dix jours. La Cour rappelle que le comportement du parent, à savoir, dans la présente affaire, le refus de la première requérante d’embarquer, n’est pas déterminant quant à la question de savoir si le seuil de gravité prohibé est franchi à l’égard des enfants mineurs (M.D. et A.D. c. France, précité, § 70).
16. Compte tenu de l’âge des enfants mineurs, dont un nourrisson, des conditions d’accueil au centre de rétention no 2 du Mesnil-Amelot et de la durée du placement en rétention, la Cour considère que les autorités compétentes les ont soumis à un traitement qui a dépassé le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention. Eu égard aux liens inséparables qui unissent une mère et son bébé de huit mois, ainsi qu’aux émotions qu’ils partagent, la Cour estime qu’il en va de même, dans les circonstances particulières de l’espèce, s’agissant de la requérante A.M. dont elle souligne en outre qu’elle se trouvait seule avec ses trois enfants mineurs.
17. Partant, il y a eu violation de l’article 3 de la Convention à leur égard.

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