Dignité en prison : La France est condamnée par la CEDH pour conditions indignes de détention....

, par Valérie Marchand

Durant 20 jours,les détenus ont été confinés (24h/24) dans leur cellule et privés de besoins élémentaires, et ce du fait d’une grève d’agents pénitentiares.

  • Lien vers l’ arrêt de la Cour EDH : AFFAIRE LEROY ET AUTRES c. FRANCE
  • Extrait :
    112. En premier lieu, la Cour relève qu’en temps normal le centre pénitentiaire d’Alençon-Condé-sur-Sarthe est un établissement qui ne souffre pas de surpopulation carcérale (paragraphe 4 ci-dessus). Avant l’agression du 5 mars 2019, le taux d’occupation de l’établissement était bas et les conditions de détention considérées comme satisfaisantes. La dégradation des conditions de détention des requérants a résulté, ainsi que l’ont relevé les juges internes, d’une situation présentant un caractère imprévisible et subi par les autorités compétentes.
    113. En deuxième lieu, la Cour relève que, pour juger au visa de l’article 3 que les conditions de détention des requérants ne présentaient pas un caractère indigne, les juges internes ont considéré que les mesures prises pour remédier aux conséquences dommageables du mouvement social litigieux suffisaient à assurer des conditions de détention acceptables, eu égard aux exigences du maintien de la sécurité au sein de l’établissement. La Cour ne minore pas les fortes contraintes d’ordre et de sécurité qui ont pesé sur les autorités pénitentiaires dans les circonstances de l’espèce, qui se sont notamment traduites par le confinement des requérants en cellule et la décision de mener des fouilles, de manière générale et répétée au cours de la période litigieuse. Pour autant, l’appréciation du caractère indigne des conditions de détention ne saurait reposer sur la prise en compte des justifications, qu’il n’est pas question pour la Cour de remettre en cause, apportées au nom des considérations de sécurité et de maintien de l’ordre au sein de l’établissement.
    114. À cet égard, et en troisième lieu, la Cour relève qu’il n’est pas contesté que pendant une vingtaine de jours les requérants ont été confinés dans leur cellule vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sans activité physique ni aucune autre activité, et privés de quasiment tout contact avec le monde extérieur, qu’il s’agisse de l’usage du téléphone, des visites familiales ou des rencontres avec leurs avocats. La Cour considère, s’agissant de telles conditions de détention, qu’il n’y a pas lieu de se départir des conclusions auxquelles elle est parvenue dans l’affaire Clasens adoptées dans des circonstances similaires (§§ 35 et 38, et les références à la jurisprudence pertinente rappelées aux §§ 33 et 34). La Cour souligne qu’elles ont nécessairement engendré chez les requérants une détresse d’une intensité qui a excédé le niveau inévitable de souffrance inhérent à la privation de liberté. En dépit de la relative brièveté de la période litigieuse et des diligences accomplies par l’administration pour rétablir, au plus vite, une situation normale, elle considère que l’effet cumulé du confinement, du défaut d’accès à la cour de promenade ou à l’air et à la lumière naturels, et de la privation de contacts avec le monde extérieur, a exposé les requérants à des conditions de détention ne satisfaisant pas leurs besoins élémentaires, dans une mesure telle qu’elles doivent être regardées comme indignes.
    115. Dans ces conditions, tout en rappelant l’ampleur des moyens mis en œuvre par les autorités compétentes pour faire face à une situation exceptionnelle et assurer la sécurité au sein de l’établissement, la Cour conclut que les conditions de détention des requérants sont constitutives d’un traitement dégradant au sens de l’article 3 de la Convention, et qu’il y a eu violation de cette disposition.
    116. S’agissant du grief tiré de l’article 8, la Cour considère, au vu des éléments figurant au paragraphe 115 ci-dessus et de la conclusion à laquelle elle est parvenue sous l’angle de l’article 3 de la Convention, qu’elle a examiné les principales questions soulevées par les requêtes des deux requérants et qu’il n’y a pas lieu de statuer séparément sur ce point (voir, dans ce sens, Centre de ressources juridiques au nom de Valentin Câmpeanu c. Roumanie [GC], no 47848/08, § 156, CEDH 2014).

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)