La Cour EDH ne condamne pas la France pour avoir refusé la reconnaissance juridique du sexe "neutre" ou "intersexe".

, par Valérie Marchand

La cour motive sa décision par l"absence de consensus européen en la matière".

  • Lire l’analyse de Roseline Letteron : "Neutralité de la CEDH sur le sexe neutre"
  • Lire l’arrêt du 31 janvier 2023
  • Extraits :
    Pour sa part, la Cour considère, qu’elle doit elle aussi faire preuve en l’espèce de réserve. Elle reconnaît en effet que, même si le requérant précise qu’il ne réclame pas la consécration d’un droit général à la reconnaissance d’un troisième genre mais seulement la rectification de son état civil de manière à ce qu’il reflète la réalité de son identité (paragraphe 50 ci-dessus), faire droit à sa demande et déclarer que le refus d’inscrire la mention « neutre » ou « intersexe » sur son acte de naissance à la place de « masculin » est constitutif d’une violation de l’article 8, aurait nécessairement pour conséquence que l’État défendeur serait appelé, en vertu de ses obligations au titre de l’article 46 de la Convention, à modifier en ce sens son droit interne. Or, comme la Cour l’a rappelé au paragraphe 74 ci‑dessus, lorsque des questions de politique générale sont en jeu, sur lesquelles de profondes divergences peuvent raisonnablement exister dans un État démocratique, il y a lieu d’accorder une importance particulière au rôle de décideur national. Il en va d’autant plus ainsi lorsque, comme en l’espèce, il s’agit d’une question qui relève d’un choix de société (comparer, mutatis mutandis, avec S.A.S. c. France [GC], no 43835/11, §§ 153-154, CEDH 2014 (extraits)).
    91. A fortiori en l’absence de consensus européen en la matière, il convient donc de laisser à l’État défendeur le soin de déterminer à quel rythme et jusqu’à quel point il convient de répondre aux demandes des personnes intersexuées, tel que le requérant, en matière d’état civil, en tenant dûment compte de la difficile situation dans laquelle elles se trouvent au regard du droit au respect de la vie privée en particulier du fait de l’inadéquation entre le cadre juridique et leur réalité biologique. Elle rappelle sur ce point que la Convention est un instrument vivant, qui doit toujours s’interpréter et s’appliquer à la lumière des conditions actuelles, et que la nécessité de mesures juridiques appropriées doit donc donner lieu à un examen constant eu égard, notamment, à l’évolution de la société et de l’état des consciences (comparer avec Rees c. Royaume-Uni, 17 octobre 1986, § 47, série A no 106).
    92. Au bénéfice de l’ensemble des considérations qui précèdent et compte tenu de la marge d’appréciation dont il disposait, la Cour conclut que l’État défendeur n’a pas méconnu son obligation positive de garantir au requérant le respect effectif de sa vie privée, et qu’il n’y a donc pas eu violation de l’article 8 de la Convention.

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