L’affaire Baby-Loup

, par Valérie Marchand

La crèche privée associative Baby-Loup, crèche militante, au projet éducatif « laïque », dont le règlement intérieur impose au personnel une obligation de neutralité qui se traduit notamment par l’interdiction du port de signes d’appartenance religieuse avait licencié pour faute grave une éducatrice spécialisée, qui à son retour de congé parental, s’était présentée voilée sur son lieu de travail. S’était alors ouverte une procédure portant sur le caractère abusif de ce licenciement, dont la nullité avait été demandée.

La salariée a assigné l’association Baby-Loup devant le conseil des Prud’hommes de Mantes-la-Jolie en nullité du licenciement en raison d’une discrimination envers ses convictions religieuses. Elle est déboutée en première instance (jugement du 13 décembre 2010). Elle interjette appel devant la Cour d’appel de Versailles qui rend un arrêt confirmatif le 27 octobre 2011. Elle se pourvoit alors en cassation.

En mars 2013, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel avec renvoi devant la Cour d’appel de Paris. Elle affirme que le principe de laïcité ne peut être appliqué aux salariés d’un employeur de droit privé qui ne gère pas un service public.

La Cour d’appel de Paris confirme le jugement du Conseil des Prud’hommes dans un arrêt du 27 novembre 2013 au motif que l’association Baby-Loup est une entreprise de conviction. À cette fin, elle peut exiger la neutralité de ses employés.

La salariée se pourvoit à nouveau en cassation.

Le problème posé à la Cour de cassation était de savoir si un employeur de droit privé peut valablement restreindre la liberté religieuse de ses salariés dans son règlement intérieur.

La décision de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 25 juin 2014 (n° 13-28.369), approuve la cour d’appel d’avoir admis que l’association avait pu restreindre par son règlement intérieur la liberté pour ses salariés de manifester leur religion, et que le licenciement de l’intéressée « était justifié par son refus d’accéder aux demandes licites de son employeur de s’abstenir de porter son voile et par les insubordinations répétées et caractérisées décrites dans la lettre de licenciement et rendant impossible la poursuite du contrat de travail ».

A noter : la Cour de cassation juge, contrairement à la cour d’ Appel que l’association n’est pas une entreprise de conviction, car elle n’a pas pour objet de promouvoir ou défendre des convictions religieuses, politiques ou philosophiques et que les statuts de l’association visent le développement d’une activité liée à la petite enfance, en dehors de l’implication de toute conviction religieuse.
la Cour a posé le principe selon lequel une entreprise privée peut instaurer des « restrictions à la liberté du salarié de manifester ses convictions religieuses si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ». Ici , une obligation de neutralité en présence des enfants et des parents. Par ailleurs, la cour a estimé que la restriction de liberté de manifester sa religion telle que définie dans le règlement intérieur n’avait pas de caractère général.

Cet article en ligne sur le doc du juriste ( 28 nov 2017) présente l’ arrêt de rejet rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation le 25 juin 2014, sous forme de fiche de jurisprudence en vue de son commentaire..

Portée de l’arrêt : La solution de cette jurisprudence a été codifiée dans le Code du travail à l’article L1321-2-1 par la loi Travail du 8 août 2016. Il permet, sous certaines conditions, à un employeur d’inscrire une clause de neutralité dans le règlement intérieur d’une entreprise.

Voir en ligne : La fiche de jurisprudence - L’affaire Baby-Loup- le doc du juriste

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