En référé, le Conseil d’État juge que l’interdit de la PMA post-mortem est compatible avec la CEDH.

, par Valérie Marchand

Le législateur a pu donc, sans violer la CEDH, confirmer en 2021 l’interdit de la PMA post-mortem. En outre, l’exportation à cette fin vers un pays étranger n’est possible qu’en cas de "circonstances particulières".

Lien vers l’ordonnance du 17 mai 2023

Extraits :
"Sur la compatibilité à la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales des dispositions législatives applicables :

7. D’une part, le législateur, s’il a ouvert, en modifiant l’article L. 2141-2 du code de la santé publique par la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, la possibilité pour une femme non mariée d’accéder à l’assistance médicale à la procréation, a maintenu l’interdiction, lorsque le couple est formé d’un homme et d’une femme, de réaliser une insémination artificielle en cas de décès du conjoint ayant procédé, avant son décès, à la conservation de ses gamètes en vue d’une procréation artificielle par sa conjointe à la suite de son décès. Cette appréciation relève de la marge d’appréciation dont chaque Etat dispose pour l’application de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Par suite, contrairement à ce qu’il est soutenu, l’interdiction d’une insémination artificielle à la suite du décès du conjoint ne porte pas, par elle-même, une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, tel qu’il est garanti par les stipulations de l’article 8 de cette convention.

8. D’autre part, les dispositions de l’article L. 2141-11-1 du code de la santé publique, qui interdisent l’exportation de gamètes conservées en France si elles sont destinées à être utilisées, à l’étranger, à des fins qui sont prohibées sur le territoire national, visent à faire obstacle à tout contournement des dispositions de l’article L. 2141-2 du même code. Elles ne méconnaissent pas davantage, par elles-mêmes, les exigences nées de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Sur l’appréciation de l’atteinte portée en l’espèce au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale :

9. La compatibilité de la loi avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne fait pas obstacle à ce que, dans certaines circonstances particulières, l’application de dispositions législatives puisse constituer une ingérence disproportionnée dans les droits garantis par cette convention. Il appartient par conséquent au juge d’apprécier concrètement si, au regard des finalités des dispositions législatives en cause, l’atteinte aux droits et libertés protégés par la convention qui résulte de la mise en oeuvre de dispositions, par elles-mêmes compatibles avec celle-ci, n’est pas excessive.

10. Il résulte de l’instruction, notamment des éléments recueillis à l’audience, que la demande de Mme B... résulte d’un projet parental construit et réfléchi, soutenu par la famille de Mme B... comme de M. C... et souhaité par l’époux décédé, qui y avait consenti de son vivant. Il n’est toutefois pas contesté que la demande d’exportation des gamètes vers un Etat étranger n’est fondée que sur la possibilité légale de faire procéder dans un Etat étranger à une insémination artificielle post-mortem, Mme B..., de nationalité française, ne faisant pas état de lien particulier avec un quelconque Etat étranger. Une telle demande ne peut donc qu’être regardée comme tendant à faire obstacle à l’application des dispositions de la loi française. Dès lors, en l’absence de circonstances particulières, la décision contestée ne porte pas en l’espèce, au regard de la situation de Mme B... et des finalités poursuivies par le législateur, une atteinte excessive aux stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête ne peut dès lors qu’être rejetée."

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