Droit de mourir dans la dignité : Refus du Conseil d’Etat de saisir le Conseil constitutionnel d’ une QPC

, par Valérie Marchand

Le conseil constitutionnel n’aura donc pas l’occasion de se prononcer sur l’existence d’un droit constitutionnel de mourir dans la dignité...

  • Le refus est ainsi motivé : la question prioritaire de constitutionnalité est "destinée à saisir le Conseil constitutionnel de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de dispositions législatives applicables et non à contraindre le législateur de légiférer sur un autre sujet que celui traité par les dispositions de la loi contestée."

"2. A l’appui de son recours tendant à l’annulation du refus du Premier ministre d’abroger les articles R. 4127-37 à R. 4127-38 du code de la santé publique, l’association requérante demande au Conseil d’Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 1110-5 à L. 1110-5-3 du code de la santé publique, au motif que ces dispositions, en tant qu’elles s’abstiennent d’instituer des garanties légales de nature à permettre à chacun, au moment de son choix et en dehors de toute situation d’obstination déraisonnable ou de fin de vie, de pouvoir mettre fin à ses jours " consciemment, librement et dans la dignité ", porteraient atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, au droit au respect de la vie privée, au " droit à l’autonomie personnelle " et au " droit de mourir dans la dignité " ainsi qu’au principe de fraternité et à la " liberté d’aider autrui dans un but humanitaire " qui découlerait de ce principe et que le législateur, en adoptant les dispositions de ces articles sans organiser l’exercice d’une telle faculté, aurait méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant par elle-même les droits et libertés invoqués.

(..)

4. En second lieu, s’il incombe au législateur, lorsqu’il adopte des dispositions, d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34, le grief tiré de son incompétence négative ne peut être utilement soulevé à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité qu’à l’encontre de dispositions résultant d’une loi promulguée et à la condition de contester les insuffisances du dispositif qu’elles ont instaurées, la question prioritaire de constitutionnalité étant destinée à saisir le Conseil constitutionnel de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de dispositions législatives applicables et non à contraindre le législateur de légiférer sur un autre sujet que celui traité par les dispositions de la loi contestée."
(...)
6. Les dispositions de ces articles L. 1110-5 à L. 1110-5-3 du code de la santé publique n’ont ni pour objet ni pour effet de reconnaître ou d’organiser l’exercice d’un " droit de chacun à pouvoir mettre fin à ses jours consciemment, librement et dans la dignité " au moment de son choix et en dehors de toute situation d’obstination déraisonnable ou de fin de vie, tel que revendiqué par l’association requérante. Dans ces conditions, cette dernière ne peut utilement soutenir, par la voie d’une question prioritaire de constitutionnalité qui porte sur un autre sujet que celui traité par les dispositions législatives qu’elle conteste, ni que ces dispositions méconnaîtraient le droit qu’elle revendique, ni qu’elles seraient entachées d’incompétence négative faute de comporter des règles permettant l’exercice d’un tel droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’intérêt pour agir de l’association requérante et sans qu’il y ait lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les articles L. 1110-5 à L. 1110-5-3 du code de la santé publique porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

  • A noter - En 2020, les Cours constitutionnelles allemande et autrichienne ont consacré un tel droit constitutionnel
    Extrait de la décision allemande

a) Das allgemeine Persönlichkeitsrecht (Art. 2 Abs. 1 i.V.m. Art. 1 Abs. 1 GG) umfasst als Ausdruck persönlicher Autonomie ein Recht auf selbstbestimmtes Sterben.
b) Das Recht auf selbstbestimmtes Sterben schließt die Freiheit ein, sich das Leben zu nehmen. Die Entscheidung des Einzelnen, seinem Leben entsprechend seinem Verständnis von Lebensqualität und Sinnhaftigkeit der eigenen Existenz ein Ende zu setzen, ist im Ausgangspunkt als Akt autonomer Selbstbestimmung von Staat und Gesellschaft zu respektieren.
c) Die Freiheit, sich das Leben zu nehmen, umfasst auch die Freiheit, hierfür bei Dritten Hilfe zu suchen und Hilfe, soweit sie angeboten wird, in Anspruch zu nehmen.

1. a) As an expression of personal autonomy, the general right of personality (Art. 2(1) in conjunction with Art. 1(1) of the Basic Law) encompasses a right to a self-determined death.
b) The right to a self-determined death includes the freedom to take one’s own life. Where an individual decides to end their own life, having reached this decision based on how they personally define quality of life and a meaningful existence, their decision must, in principle, be respected by state and society as an act of personal autonomy and self-determination.
c) The freedom to take one’s own life also encompasses the freedom to seek and, if offered, make use of assistance provided by third parties for this purpose.

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