Samedi 21 novembre 2020, Michel Zegler, producteur de musique, a été roué de coups par des policiers à Paris dans le 17ème arrondissement. La séquence a été filmée par les caméras de surveillance de l’entreprise. Une deuxième vidéo provient de voisins. Des faits, filmés, qui viennent nourrir la contestation de la loi Sécurité globale.
Les faits sont racontés en détail, et les vidéos peuvent être vues ici. Ces vidéos ont été diffusées à l’origine sur le site du média en ligne Loopsider.
L’IGPN, la police de la police, a été saisie. Elle procède à une enquête administrative, qui peut donner lieu à des sanctions administratives. Une procédure à distinguer de l’action publique engagée par le parquet.
Le parquet a d’abord placé les 4 policiers en garde à vue dans les locaux de l’IGPN vendredi 27 novembre 2020.
Trois d’entre eux ont été placés en garde à vue pour :
- violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique, en réunion, avec arme et à caractère raciste, deux circonstances aggravantes du chef de violences volontaires
- faux en écriture publique par personne dépositaire de l’autorité publique
- violation de domicile par personne dépositaire de l’autorité publique
- dégradations volontaires de bien privé.
Une autre circonstance aggravante a été rajoutée pour le quatrième policier, en garde à vue pour violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique, avec arme et en réunion et dégradations volontaires par moyen dangereux.
Le parquet a ensuite désigné un juge d’instruction.
Celui-ci a mis en examen les 3 premiers policiers pour violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique et faux en écriture publique par personne dépositaire de l’autorité publique. Pour le moment la qualification d’injure à caractère raciste n’a pas été retenue, faute de preuve suffisante. Mais le juge d’instruction va instruire, à charge et à décharge, et pourra à rajouter un chef d’infraction (celui d’injure à caractère raciste) lors de son instruction.
Un 4ème policier, qui a lancé une bombe lacrymogène, a été mis en examen pour violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique sur M. Zecler et sur 9 autres personnes qui se trouvaient dans le sous-sol.
Le parquet a requis le placement en détention provisoire de 3 policiers, et finalement deux des quatre policiers ont été placés en détention préventive et écroués. Un fait rare.
Le procureur de Paris, Rémi Heitz, a fait une conférence de presse. Rappelons que seul le parquet est habilité à communiquer sur une procédure judiciaire. Il a donné des éléments sur les états de service de ces policiers : « ces quatre policiers – un brigadier de 44 ans et trois gardiens de la paix, âgés respectivement de 23, 31 et 35 ans – présentent de bons, voire très bons états de service, et qu’aucun incident particulier n’a à ce jour émaillé leurs carrières respectives ». Il a aussi rappelé les faits : une intervention motivée au départ par l’absence de port de masque et une odeur de cannabis (M. Zegler en détenait 0.5 g).
Certains membres du gouvernement — et le Président de la République lui-même — se sont dits choqués par ces images. Le débat n’est sans doute pas là. Qui pourrait souscrire à ces faits ? Comment soutenir de tels actes ?
La question est davantage : ces violences en sont-elles que des faits isolés ? Quelles sont les responsabilités engagées ici ? Pénalement, ce sont les 4 auteurs de l’infraction qui peuvent être poursuivis puis éventuellement condamnés. Administrativement, ce sont ces mêmes 4 auteurs d’infraction qui pourraient être révoqués. Mais c’est l’encadrement et la formation actuelles des forces de l’ordre, et les consignes et le management des personnes chargées de l’ordre public, qui sont aussi en débat. Mais cet aspect là n’est plus juridique. Il devient politique. Maître Leclerc, avocat des droits de l’homme (et de la Ligue des droits de l’homme - LDH), interrogé sur France Inter, affirmait que selon lui, les véritables responsables sont les donneurs d’ordre, le commandement et l’encadrement des forces de l’ordre.
La question de la formation des policiers est abordée dans cette vidéo de 8 mn du journal Le monde intitulée « la police française recrute-t-elle moins bien qu’avant ? » A voir ici
Ce fait est connu quelques jours après l’évacuation très musclée de la Place de la République ordonnée par le Préfet de police de Paris lundi 23 novembre 2020. Les images là aussi ont fait le tour des rédactions et des réseaux sociaux. On y a vu notamment un jeune tomber à terre à la suite d’une "béquille" faite par un membre de force de l’ordre. Un geste sans doute disproportionné, mais surtout non nécessaire. Or c’est bien la nécessité qui fonde la légitimité de l’usage de la violence par les forces de l’ordre.
Alors que les opposants à la loi sécurité globale ont manifesté samedi 28 novembre. Le rapport est immédiatement fait entre le débat en cours centré notamment sur l’article 24 (mais d’autres articles sont aussi jugés attentatoires au droit d’informer) et ces faits de violences volontaires. Car ce sont des vidéos qui jouent ici le rôle de révélateur, de porte-voix. Et il y a à craindre que la loi, si elle était votée, ait pour effet une autocensure généralisée de citoyens et des journalistes, comme l’a souligné récemment l’avocat des libertés publiques Patrice Spinosi.
Voir notre article sur la loi sécurité globale