Environnement : le CE valide le renforcement du pouvoir des préfets

, par Aline Beilin

Le Conseil d’Etat valide un décret de 2020 très contesté par les associations de défense de l’environnement par ses effets concrets en matière environnementale.

L’installation des parcs éoliens sur terre et en mer fait de plus en plus débat. Les maires sont sensibles à leurs administré-e-s qui objectent la pollution visuelle et sonore engendrées par les éoliennes. Qui, du maire ou de l’Etat, par l’intermédiaire du préfet, a le dernier mot en matière d’implantation de parcs éoliens ? Question tranchée par le Conseil d’Etat le 21 mars 2022.
Retour sur le contentieux...

  • Le gouvernement souhaite que l’Etat conserve le dernier mot, face à des maires souvent récalcitrants quant à l’implantation d’éoliennes sur le territoire de leur circonscription. Pour ce faire il veut renforcer les pouvoirs des services déconcentrés de l’Etat que sont les préfets.
    Le 8 avril 2020, le gouvernement publie un décret par lequel il accorde aux préfets, représentants de l’Etat à l’échelle du département et de la région, un droit de dérogation aux normes réglementaires. Autrement dit, le droit de déroger à une décision de l’administration pour un motif d’intérêt général, afin de tenir compte, sous certaines conditions, des circonstances locales.
  • C’est ce décret qui était mis en cause par des associations de défense de l’environnement qui ont saisi le Conseil d’Etat. Ces associations dénoncent le fait que ce décret, sous prétexte de faciliter les procédures... en réalité donne à l’Etat, à travers les préfets, carte blanche pour des projets contestés par les élus locaux. Par exemple, l’installation d’une unité de méthanisation dans une zone protégée dans l’Yonne, ou la construction d’une digue et d’un parc d’éoliennes en Vendée en passant outre l’obligation de réaliser une étude d’impact environnemental dénoncées par l’association Les amis de la terre.
  • A noter qu’entre temps, le 26 mai 2021, le gouvernement, à travers le ministère de la Transition écologique, réitère en publiant une instruction, une lettre de cadrage destinée aux préfets : il leur est demandé de d’élaborer, sous un an, une cartographie des zones favorables au développement de l’éolien afin de sécuriser l’atteinte des objectifs de la PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie). Manière de donner aux préfets un rôle central dans cette question...
  • En juin 2021, Le Sénat a réagi en tentant d’introduire dans la loi Climat et Résilience un droit de veto des maires ( lire l’amendement ici), ainsi motivé : « Le dispositif proposé permet, ensuite, de passer d’une logique consultative à une logique délibérative dans l’implantation d’éoliennes au niveau local. Ainsi le dépôt de la demande d’autorisation environnementale est subordonné à une délibération motivée du conseil municipal de la commune concernée par le projet. Dans cette disposition, le conseil municipal peut exercer un droit de véto qui contribue à renforcer son pouvoir décisionnaire. Enfin, possibilité est donnée au conseil municipal d’organiser un référendum local, afin d’inclure directement les administrés dans le processus délibératif. ».
  • A titre d’exemple de tension entre un élu local (ici un député des Hauts de France qui s’inquiète du nombre d’éoliennes dont l’installation est prévue dans sa région) et le gouvernement, on peut consulter cette question à l’Assemblée nationale en août 2021 (réponse de la ministre B. Pompili en octobre 2021).
  • Plusieurs associations de protection de l’environnement avaient saisi le Conseil d’Etat pour invalider le décrit du 8 avril 2020 accordant un pouvoir dérogatoire aux préfets. Louis Cofflard, membre et avocat de l’association Les Amis de la terre et dénonce ainsi les effets de ce décret, dont il demandait l’annulation au Conseil d’Etat : « ce décret fige dans le droit commun, sans information ni consultation du public minimale, un dispositif réglementaire rétrograde laissant à l’arbitraire de chaque préfet le soin de garantir une application inégalitaire du droit de l’environnement ».
  • Le 21 mars 2022, le Conseil d’Etat a validé le décret en disant qu’il n’est contraire ni au principe de séparation des pouvoirs, ni au principe d’égalité.
    Voir la décision en document joint, et l’analyse de cette décision par la Gazette des communes ici.

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