Les "vidéo-audiences" respectent-elles les droits de la défense ?

, par Aline Beilin

Les avocats sont vent debout contre l’extension de la pratique de vidéo-audiences qui tend à se généraliser à la Cour Nationale du droit d’asile, où est jugé le contentieux concernant le droit d’asile et le droit de séjour, et notamment les recours contre les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFRA). Si la Cnda juge ce nouveau procédé économe, financièrement et en terme de délais de transport (elle permet de faire l’économie des audiences foraines, où la Cour se déplace), les barreaux de Paris et de Lyon refusent une mesure qu’il juge attentatoire aux droits de la défense.

Le principe de la vidéo-audience est simple : l’avocat plaide à distance et sa plaidoirie est retransmise en direct. Le moyen est déjà utilisé pour relier la salle d’audience de la CNDA à des justiciables qui vivent dans les départements d’outre mer (Guyane, Cayenne, Martinique, Guadeloupe). Il a ensuite été autorisé par la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (article 98, ici). Mais la loi de 2011 supposait le consentement du requérant. Or la loi du 10 septembre 2018 , dite loi Collomb, offre la possibilité que la vidéo-audience soit obligatoire (LOI n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, articles 8, 20 et 24).

Le conseil Constitutionnel, saisi par 60 députés et 60 sénateurs l’occasion du vote de la loi du 10 septembre 2018, a déclaré constitutionnelle l’usage de la vidéo-conférence. Le conseil constitutionnel dans sa décision fait mention de conditions légales qui doivent être respectées : « l’audience se tient dans une salle spécialement aménagée à cet effet, ouverte au public et située dans des locaux relevant du ministère de la justice ; sont garanties la confidentialité et la qualité de la transmission entre la cour et cette salle ; une copie de l’intégralité du dossier est mise à la disposition de l’intéressé ; son conseil, s’il en a un, est physiquement présent à ses côtés ainsi que, sauf difficulté particulière, l’interprète mis à sa disposition ; un procès-verbal de l’audience est établi dans chacune des salles d’audience ou cette audience donne lieu à un enregistrement audiovisuel ou sonore » (voir le commentaire de la Décision n°2018-770DC du 6 septembre 2018, p 18 ici https://www.conseil-constitutionnel...) et le communiqué de presse du Conseil constitutionnel (https://www.conseil-constitutionnel...)

Les ressorts de Nancy et Lyon sont en phase d’expérimentation. Cela suscite de vives réactions des avocats des demandeurs d’asile. Pour eux il s’agit d’une rupture d’égalité entre justiciables, et d’une limitation de l’accès au juge. En un mot, ce sont les droits de la défense et les droits au procès équitable auxquels on porte atteinte ici. Pour eux il s’agit d’une déshumanisation de la justice. La conférence des bâtonniers s’est prononcée contre la mesure. Voir la lettre que son président a adressée à tous les bâtonniers fichier en pdf (cnda-video-aud_lettreauxbatonniers)

Le Barreau de Lyon s’est aussi exprimé sur le sujet (voir pdf cnda_video-aud_barreau-lyon)

La CNDA a répondu pour défendre l’usage de la vidéo-audience (fichier pdf Cnda_video-audience_cnda)

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