A quelles conditions les élèves peuvent-ils tirer un bénéfice de l’enseignement en droit ?

, par Valérie Marchand

Intervention de Jeanne Szpirglas, IA-IPR de philosophie et référence DGEMC, le 15 janvier 2020 au lycée Charlemagne, à l’invitation de l’APPEP.

Je remercie l’APPEP pour son invitation à venir parler de l’enseignement DGEMC et me permettrai un rappel du contexte de son implantation dans l’académie de Versailles. Alain Boissinot, Recteur de l’académie de Versailles, accepta ma proposition de le prendre en charge, ce qui se comprenait par la finalité de l’introduction du droit dans le secondaire, en l’occurrence la revalorisation de la filière L qui ne représentait plus 10% de l’effectif des filières générales. Je rencontrai Guy Carcassonne, concepteur du programme qui accepta d’inaugurer la formation diffusée en visioconférences à d’autres académies. Le pilotage par la philosophie de DGEMC eut pour première conséquence une ouverture de facto pluridisciplinaire. A ce jour, une vingtaine de professeurs de philosophie enseignent DGEMC dans l’académie de Versailles ce qui est assez proche de l’effectif de professeurs d’économie-gestion, suivi par les professeurs de SES puis d’histoire-géographie. L’enseignement est également dispensé par un professeur de lettres, trois professeurs de STMS, deux professeurs documentalistes. La répartition disciplinaire continue à se modifier dans le temps en fonction de la diffusion de l’information sur l’enseignement et les conditions d’habilitation.
En 2011, l’implantation de DGEMC suivit les règles prescrites par les textes officiels soit une présence correspondant à 25% des lycées comprenant des divisions littéraires, environ 35 lycées pour l’académie de Versailles. Contrairement à ce que l’on pouvait penser, les grands lycées littéraires ne furent pas immédiatement intéressés par cet enseignement dont s’emparèrent des lycées de taille modeste, soucieux de soutenir leur filière L et parfois de se construire une identité en se démarquant des lycées de plus grande notoriété environnants. Cette démarche était favorisée par une seconde spécificité de l’académie de Versailles, l’introduction expérimentale de la spécialité dès la première accompagnée d’un enseignement de culture générale, sous le format suivant : 1h DGEMC+2h de culture générale en première, proportion s’inversant en terminale. Complétait ce dispositif une forte incitation à laisser les élèves suivre une double spécialité de façon à éviter une mise en concurrence de spécialités déjà nombreuses au regard de l’effectif restreint des terminales littéraires. Un « événement » juridique, le Défi DGEMC se déroula trois années consécutives dont le but était de promouvoir l’enseignement et également d’illustrer et de promouvoir la didactique que l’académie s’efforçait d’élaborer, en donnant une place centrale et première aux grands enjeux du monde contemporain. Il marquait également la vocation de cet enseignement à engager une relation étroite avec les UFR de droit. Des étudiants de master 2 participaient aux Défis et le bassin de Mantes expérimenta un continuum avec l’université de Cergy tel que les élèves inscrits dans la spécialité DGEMC pouvaient suivre un enseignement à l’université et conserver le bénéfice des ECT validés, par capitalisation.
L’enseignement DGEMC devrait voir ses effectifs sensiblement accrus par le changement de statut. Les demandes d’ouverture sont nombreuses en effet et le DU permet une habilitation certificative des professeurs non juristes. Il est vraisemblable que pour répondre à cette demande nouvelle, les dispositions règlementaires s’assouplissent au plan national. La nécessité d’une solide qualification juridique officialisera sans doute l’équivalence reconnue au DU par l’académie de Versailles. A titre expérimental, l’option sera ouverte aux élèves de série technologique dans l’objectif d’étoffer leur dossier parcoursup et de renforcer leurs compétences de culture, d’expression et de capacité d’analyse, requises par leur poursuite d’études. Cette proposition d’ouverture aura à être évaluée au fil des années.

J’en viens maintenant à la question posée par l’APPEP : quel bénéfice les élèves tirent-ils de l’enseignement DGEMC, mais pour y substituer aussitôt une question à laquelle je me pense plus en état de répondre : A quelles conditions les élèves peuvent-ils tirer un bénéfice de l’enseignement en droit ?

Dgemc et EMC
Pour saisir la spécificité de l’enseignement en droit, il convient en premier lieu d’en indiquer la différence avec l’EMC introduit il y a quelques années en remplacement de l’ECJS. La différence tient moins au programme et aux niveaux d’enseignement concernés qu’à la différence des fins qu’ils poursuivent. Pour reprendre une analyse d’Arlette Heymann-Doat, dans l’EMC, héritier d’une longue tradition d’instruction morale et civique, il s’agit de forger par l’instruction le moyen d’une préservation de l’harmonie sociale et le remède à son « délitement ». L’initiation au droit s’étaye évidemment sur la connaissance que tout citoyen doit avoir de la loi, mais cette connaissance est dans l’EMC reconnaissance de son autorité. La présentation de la loi l’établit dans son autorité comme celle des valeurs doit les affermir dans une visée performative dont DGEMC est tout à fait dépourvu. C’est par parenthèse, cette dimension performative, aussi illusoire soit-elle, qui explique le double écueil de la disciplinarisation de l’EMC, à laquelle a conduit son attribution à une discipline ou une autre dans les établissements. La disciplinarisation reconduisait par commodité l’organisation de l’ECJS et attribuait principalement l’enseignement à l’histoire-géographie dans la continuité des habitudes passées et des modalités instaurées au collège, plus rarement aux SES et à la philosophie, et à l’exclusion de toutes les autres disciplines. Or premièrement, la disciplinarisation substitue à ce qui était conçu comme une démarche, la transmission d’un contenu qui instruit des valeurs au lieu de les produire. En second lieu, cette organisation de l’EMC, loin d’être une traduction et une expression des valeurs qu’il entend promouvoir, risquait de les contrefaire. L’EMC pouvait en effet d’autant moins reposer sur l’exclusion a priori de l’une ou l’autre des disciplines, qu’on les estime toutes contribuer à la formation d’une conscience éclairée. La finalité de l’EMC prescrivait en conséquent une prise en charge collégiale assignant à la philosophie un rôle spécifique. Si l’EMC permettait une analyse critique et par là philosophique de la morale, il devait être reconnu comme partie prenante du programme de philosophie, et s’il s’agissait de produire ou de réaffirmer des valeurs, il pouvait difficilement relever de l’enseignement de philosophie. Dans ces conditions, incombait à la philosophie d’accompagner le mouvement réflexif de chaque discipline, soucieuse de mettre à jour l’effectivité de son rapport aux valeurs, que ce soit l’EPS dans le rapport à son propre histoire, passée de la normativité de la culture hygiéniste du corps au 19ème à l’idée d’une expressivité corporelle, que ce soient les langues et leur rapport constitutif à l’altérité, que ce soient les sciences avec l’intégration d’une réflexion épistémologique sur le concept de vérité qui puisse prémunir les élèves contre le dogmatisme. Si donc l’on considérait la transmission des valeurs comme une démarche, indissociablement intellectuelle et morale, l’EMC appelait un autre regard sur les contenus plutôt que l’apport de contenus nouveaux.
Par opposition, DGEMC se présente sans ambiguïté comme un enseignement contribuant à la formation intellectuelle des élèves. S’il constitue bien un apprentissage de la citoyenneté, c’est essentiellement par sa contribution à la formation d’un jugement éclairé au même titre que les autres disciplines.

La lettre et l’esprit
Le préambule de l’ancien programme soulignait la vocation de DGEMC à sensibiliser les élèves à la dimension juridique des rapports sociaux d’où l’exemple du contrat suggéré par Guy Carcassonne puis développé par Bénédicte Fauvarque-Cosson, invitée il y a quelques mois par l’APPEP. Il s’agit donc de comprendre le droit comme une dimension de la culture et d’en révéler la présence, structurante mais parfois peu visible, dans l’existence de chacun. De ce point de vue, DGEMC apporte aux élèves le bénéfice d’un élargissement de leur culture et d’une meilleure intelligibilité de leur situation dans le monde. Cette acception du programme permettait, au moment de son introduction dans le secondaire, d’inscrire DGEMC dans sa cohérence avec les disciplines de la terminale L, structurellement dispensées sur le mode de la dispersion. Le droit pouvait ainsi s’articuler aux autres savoirs, histoire-géographie, sciences économiques et sociales, philosophie, littérature, et contribuer à leur liaison.
Mais cet esprit affirmé par le préambule était en quelque sorte contredit par la lettre d’un programme conçu pour balayer l’ensemble des concepts juridiques, et introduisant par là une tension en réalité commune à d’autres enseignements du lycée. La contradiction entre l’esprit et la lettre du programme exprime en effet la tension entre deux paradigmes didactiques : l’exhaustivité et l’exemplarité. Les programmes d’histoire-géographie, de SES et d’économie-gestion comportent trois colonnes dont la détermination s’accroît progressivement. Ce sont des cultures disciplinaires de l’exhaustivité. Dans l’enseignement DGEMC, cette tension s’est généralement traduite par la difficulté de ménager aux grands enjeux du monde contemporain la place qui devait leur revenir.

L’articulation du droit et des grands enjeux : typologie des entrées
La didactique peut être définie comme la façon dont un savoir disciplinaire se met en forme à des fins de transmission. Elle se distingue de la discipline qui désigne le savoir à transmettre, et de la pédagogie constituée par l’ensemble des moyens visant à rendre effective la transmission à un public déterminé.
En tant que choix didactique, l’exemplarité fonde l’efficience de l’enseignement sur l’homologie entre la démarche du professeur et celle qui est demandée à l’élève. Hautement formatrice, elle demande que le professeur adopte une démarche problématisée tandis que l’exhaustivité entend apporter des contenus de connaissance au risque d’une approche purement descriptive. L’exemplarité procède d’une réflexion sur la didactique à rebours, c’est-à-dire à partir de sa fin, l’épreuve à l’examen, dont les exigences sont contingentes -elles auraient pu être autres, un écrit par exemple- mais non arbitraires. Elle accorde une fonction formatrice à l’imitation et à la récurrence. La demande faite aux élèves de problématiser leurs dossiers devait donc conduire les professeurs à entrer dans les concepts juridiques par la voie du problème, formulation scolaire des grands enjeux du monde contemporain. La récurrence consiste dans la répétition, tout d’abord de la démarche de façon à assurer l’efficacité de l’imitation, mais aussi de l’information car on ne compte jamais en pédagogie qu’une information soit acquise par une seule transmission. En DGEMC, la notion de récurrence invite à penser les termes d’un enseignement introductif au droit. Les connaissances de base que constituent les sources du droit, leur hiérarchie, leur fondement démocratique doivent-elle nécessairement faire l’objet d’un apprentissage séparément des grands enjeux ? Ne peut-on compter que la récurrence permette leur acquisition, et qu’il n’y ait pas davantage de nécessité à les exposer en dehors des grands enjeux, que l’on apprend les concepts philosophiques séparément des problèmes qu’ils éclairent et qui invitent à les renouveler ? Le nouveau programme accorde quelques séances introductives aux connaissances juridiques élémentaires mais en appelle à la récurrence des notions essentielles. On manque souvent de se demander quelle est l’information qui forme. La distinction des connaissances élémentaires et des connaissances secondaires serait d’autant plus précieuse qu’on l’estimera recouper la différence qui existe entre former et informer.

Ce primat accordé aux grands enjeux n’était cependant pas une exportation de la culture philosophique dans le champ juridique, comme j’en jugeai d’abord moi-même, ni non plus une liberté prise à l’égard du programme, car le droit est intrinsèquement lié aux grands enjeux du monde contemporain.

En premier lieu, le droit s’inscrit dans un rapport complexe à la réalité et donc au monde contemporain : rapport qui est indissociablement de traduction- le droit est reflet- et de détermination puisqu’il modifie et infléchit la réalité. C’est évidemment au titre de cette effectivité que les lois sont si âprement discutées. Si donc on définit l’enjeu comme ce moment de redéfinition de la société, moment de crise ou de mutation que le droit reflète intrinsèquement, DGEMC doit rendre compte de la façon dont le droit traduit ce moment de réorientation, souvent sous l’aspect de ses propres mutations. Ce faisant, on reviendra régulièrement sur la réalité complexe que constitue le droit lui-même en distinguant les domaines du droit, les juridictions, la hiérarchie des normes.
D’où une première entrée par la formulation d’un problème, à l’image de ce que le nouveau programme appelle - peut-être improprement - « débat ». Le problème permet d’aborder transversalement le programme et les notions juridiques conformément aux enjeux du monde contemporain dans lesquels ils sont souvent mêlés sans considération du domaine du droit. Les sujets du Défi DGEMC illustrent ce type d’entrée : Y a-t-il un droit à l’oubli ? Jusqu’où peut-on disposer de son corps ? Faut-il faire de la nature un sujet de droit ? etc…

En second lieu, le droit doit apparaître comme une réalité mouvante, ce dont les lois de bioéthique sont paradigmatiques puisqu’elles portent inscription du principe de leur propre révision. La saisie par le droit des grands enjeux du monde contemporain passe alors par la description des normes juridiques telles qu’elles fonctionnent mais aussi par une analyse de leurs évolutions qui permette de saisir leurs fins et à rebours leur genèse. C’est cette mouvance du droit qui interdit de le recevoir comme un « décalogue » juridique, et le représente au contraire comme une construction indéfinie qui en appelle à la responsabilité à venir des élèves.
D’où une entrée par la réforme du droit visant une compréhension rétrospective du droit en vigueur et soulignant la coïncidence de la réflexion de la société sur ses orientations et du changement des normes.
La naissance de la constitution tunisienne en 2014 pouvait en être un exemple. En droit français, tout projet de réforme du droit : réforme de la justice des mineurs, réforme du droit des contrats, réforme du droit du travail, etc… dans les limites des thèmes du nouveau programme.

En troisième lieu, le droit est un ensemble de textes, un corpus, qui n’est pas un savoir. Il ne s’agit donc pas d’une discipline à proprement parler puisque ces textes dont on a souligné l’historicité, possèdent une dimension normative. Comment dès lors se rapporter à des textes de lois et des arrêts ? Nous nous y rapportons en tant que citoyens reconnaissant notre sujétion mais aussi dans un rapport intellectuel nécessairement critique. On ne déniera pas la vocation pacificatrice du droit mais on ne mettra pas non plus le droit au-dessus de tout soupçon. Du reste, les philosophes examinent suffisamment les relations de la justice et du droit (dont il faut remarquer qu’ils inversent presque la signification par rapport aux juristes) pour prendre l’écart comme un fait.
Ainsi, de même que le programme d’histoire a introduit des notions d’historiographie, invitant les élèves à mettre en perspective les lectures de l’histoire, de même que l’économie ne prétend aucunement à une exactitude dont elle recevrait le démenti à chaque instant par l’état du monde, il convient de produire, dans l’enseignement du droit, la distance critique qui caractérise désormais tout enseignement. A l’apprentissage par cœur et la restitution du savoir selon une pédagogie du modèle et de l’obéissance, le système éducatif a en effet substitué un modèle critique. En toutes disciplines, nous jugeons essentiel de poser des problèmes et de prendre une distance à l’égard des contenus positifs qui sont dispensés. Et c’est de cette façon de se rapporter au savoir que nous attendons une certaine façon d’être ou de devenir homme, par elle également, que notre instruction assume une dimension éducative. L’enseignement du droit n’y fait pas exception : les grands enjeux impliquent de poser un problème, de le saisir par le droit et de saisir simultanément ce qu’il met en jeu du droit lui-même.
D’où une troisième entrée par une situation concrète qui soit une situation-limite révélant une fragilité ou une hésitation du droit. Ainsi ces deux exemples empruntés à des séances observées en DGEMC : le cas de la restitution d’œuvres d’art par la France au Bénin permet d’aborder des notions fondamentales du droit puis d’interroger la propriété d’un patrimoine culturel universel et sa conciliation avec la pluralité des mémoires et la singularité des peuples.
Une autre séance montre les péripéties des dispositions légales qui encadrent le droit des étrangers et qui définissent des bornes paradoxales d’une solidarité pourtant conforme au principe de fraternité. Il est alors possible à partir d’un cas pratique, d’interroger le « délit de solidarité » sous la forme d’une éventuelle contradiction des dispositions légales avec les principes du droit, et d’analyser les raisons conjoncturelles de l’évolution du droit – en l’occurrence le rapport aux migrations-.

Se conclut de ces remarques le paradoxe de l’initiation au droit : pour que l’enseignement du droit en terminale soit bénéfique aux élèves, il doit réfléchir l’intention du législateur dans une distance critique qui semble plus proprement celle de la recherche en droit. Ainsi au moment d’introduire le droit, d’y sensibiliser les lycéens, DGEMC se situe en-deçà d’un savoir positif qui n’est pas sa vocation et pour lequel le temps imparti ne saurait suffire, et au-delà du cursus juridique s’il est vrai que les études de droit se consacrent d’abord à l’acquisition de la technique juridique sans se prononcer sur ces intentions.

Le droit et le travail de l’oral
Non seulement, le droit semble le lieu par excellence du développement des compétences orales mais il est en passe de fournir un modèle, peut-être exagérément univoque, de ces compétences à partir de ce que l’on suppose de la plaidoirie. Découle de ce modèle la représentation d’un discours performant, contradictoire, instrumental.
La prolifération des concours d’éloquence implique la recherche d’une performance discursive mesurée à l’aune de la victoire. La joute oratoire serait le lieu d’un affrontement discursif comme si on ne parlait jamais que pour l’emporter. En ce sens, le concours d’éloquence radicalise le débat qui met en œuvre le contradictoire sans aller à la victoire, et se fonde sur l’argumentation davantage que sur les techniques de la parole. Le débat situe les points de vue opposés dans une forme d’extériorité les uns par rapport aux autres, là où la philosophie tend à considérer l’opposition comme un moment interne et constitutif du mouvement la pensée. La pensée philosophique s’incorpore l’objection et passe de l’objection à la conception dont elle résulte. Elle reconduit l’opposition de deux opinions à une différence, celle des systèmes conceptuels qui confèrent à l’opposition son intelligibilité. Pour illustrer ce point par un exemple simple, lorsque des personnes s’affrontent dans la rue pour/contre le mariage pour tous, ce n’est pas à la faveur d’une opposition, mais en raison d’une différence essentielle de leur vision du monde. Pour l’approche philosophique, une opposition n’est donc qu’épiphénoménale. Et c’est pourquoi la lecture d’un texte philosophique demande une attention, une adhésion, peut-être une soumission, tout le contraire d’une bataille.
Travailler philosophiquement l’oral suppose en conséquence de nuancer l’approche juridique de la plaidoirie ou plus exactement de saisir tout ce qu’une bonne plaidoirie suppose de nuances si l’on refuse de la réduire aux représentations réductrices dont elle peut être l’objet. Savoir écouter, savoir parler à bon escient, savoir distinguer les registres du discours, savoir faire droit au point de vue de l’autre et modifier sa pensée sous le coup de la réfutation, sont des qualités dont on ne peut penser l’orateur dépourvu et qui doivent trouver leur place en tout enseignement de l’oral. On formera à entendre autant qu’à parler. Reste qu’à côté du débat, objet autant que moyen pour le philosophe, il convient de ménager une place à une grande variété de formes du discours oral, le dialogue, la discussion, la controverse comme discussion savante visant un accord fondé en raison, etc...

Conclusion : de la spécialité à l’option
Si, ces conditions remplies, le bénéfice de l’enseignement du droit doit paraître évident pour les élèves, son changement de statut s’assortit d’un bénéfice pour les professeurs qu’il libère de la pression de l’examen. Certes l’exemplarité fondée sur la problématisation des dossiers perd sa justification avec la suppression de l’épreuve finale, d’où la proposition d’une multiplicité d’entrées dans le programme et les notions juridiques. Le contrôle continu dans le cadre d’une option dont le gain pour l’examen est insignifiant, devra substituer aux évaluations scolaires de nouvelles façons de faire travailler les élèves. DGEMC devient ainsi un « laboratoire pédagogique », où la liberté des méthodes n’a d’autres bornes que l’exigence intellectuelle et le respect de l’approche juridique. Le désintéressement permet aux professeurs et aux élèves de définir eux-même ce qui leur semble essentiel.
Comme en témoignent leurs pratiques depuis l’introduction du droit, les professeurs qui enseignent DGEMC s’efforcent de faire découvrir à leurs élèves la réalité des institutions judiciaires et de promouvoir la relation avec les universités. Pour celles-ci, l’enjeu n’est pas d’augmenter leur recrutement mais de s’assurer d’un choix éclairé du cursus juridique. Après une sensibilisation au droit proposant en parallèle du traitement du programme, la découverte des tribunaux et la rencontre avec des professionnels, des dispositifs immersifs ou dédiés proposés par l’université pourraient en seconde intention, contribuer à une meilleure préparation des lycéens qui prévoient de s’y engager. En aménageant la continuité du cursus scolaire du secondaire vers le supérieur, on pourra au fil du temps envisager un continuum enseignant amorcé par quelques actions en co-animation. DGEMC se montrera alors d’un grand bénéfice pour l’institution scolaire à plusieurs titres : en apportant la preuve que le développement d’une formation intellectuelle exigeante n’a pas nécessairement pour condition la sanction des acquisitions, en contribuant à préparer divers profils d’élève à la poursuite d’études, enfin en offrant aux professeurs l’opportunité d’une plus grande porosité entre le secondaire et le supérieur et peut-être à terme de cette diversification de leur conditions d’enseignement dont on peut espérer une plus grande attractivité de la carrière enseignante.

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