L’affaire "Julie". La question du consentement, encore et toujours

, par Aline Beilin

Affaire dite "Julie"... quand il est question du consentement d’une jeune collégienne de 14 ans. Autre temps ?

L’affaire est déjà ancienne. En 2009, Julie avait 14 ans et était collégienne. Ce n’est pas son prénom, mais c’est sous cette dénomination qu’elle apparaît dans la presse et est défendue par des associations de lutte contre les violences sexuelles. Elle suivait alors un traitement médicamenteux lourd. En raison de son état de santé, elle a du faire appel à de nombreuses reprises à des interventions de pompiers (plus de 130 entre 2008 et 2010). Elle fait plusieurs tentatives de suicide.

Julie a noué une relation avec un pompier, âgé de 20 ans. Plus d’une dizaine de ses camarades aura des relations avec Julie, dans des lieux divers, intérieurs, extérieurs, etc. Le journal Le Monde faisait état, en 2018, de plus d’une vingtaine de secouristes, issus de onze casernes différentes, qui se sont échangés pendant 2 ans le téléphone de Julie alors qu’elle avait entre 13 et 15 ans.

La première plainte, pour viol, date donc de 2009... Depuis 2009, la question du consentement est posée dans ce dossier. Les pompiers doivent-ils être incriminés pour viols ou pour atteintes sexuelles pour mineurs ? Selon les auteurs présumés seront renvoyés devant une cour d’assises ou bien un tribunal correctionnel, et n’encourent pas les mêmes peines.

  • Initialement mis en examen pour "viol sur mineure", le juge d’instruction a finalement décidé en juillet 2019 de requalifier les faits en "atteintes sexuelles sur mineurs". Cette décision avait été dénoncée par la famille de Julie et par ses soutiens (lecollectif de lutte contre les violences sexistes et sexuelles Nous Toutes et l’association de protection de l’enfance Enfance et partage). L’avocat de Julie avait fait appel de cette décision.
  • Le 12 novembre 2020, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles rejette la qualification de viol des faits présumés d’atteintes sexuelles. Pour rappel, la chambre de l’instruction est la juridiction de second degré, qui tranche sur les appels des ordonnances prises par un juge d’instruction en premier degré. Voir ici sur le site viepublique.fr.

La chambre de l’instruction a jugé que les trois pompiers poursuivis à l’heure actuelle « devaient être renvoyés pour être jugés devant le tribunal correctionnel pour le délit d’atteinte sexuelle, considérant dès lors que la victime avait consenti aux actes qu’elle avait subis », a-t-il ajouté.
En l’état actuel de la loi, pour que le crime de viol sur mineur de 15 ans soit constitué, il faut que les faits de violence aient été commis avec violence, contrainte, menace ou surprise. A défaut, les faits peuvent être requalifiés, correctionnalisés en atteinte sexuelle. Cela pourrait changer sous peu.

  • La Cour de cassation a examiné la conformité au droit de cette décision et a rendu sa décision vendredi 17 mars 2021.
    Dans sa décision, la Cour de cassation estime que la chambre de l’instruction a bien appliqué le droit : elle a suffisamment motiver sa décision. C’est pourquoi les auteurs présumés, dans l’affaire dite "Julie", comparaîtront effectivement devant un tribunal correctionnel.

Dans le communiqué de la Cour de cassation du 17 mars 2021, on peut lire : « Statuant uniquement en droit, la Cour de cassation ne peut pas substituer sa propre appréciation des faits et des preuves à celle de la chambre de l’instruction. Dans ces conditions, la Cour de cassation qui est saisie d’un pourvoi contre une décision de chambre de l’instruction n’examine pas les faits ; elle s’assure que la chambre de l’instruction a statué sur l’existence des charges par une motivation suffisante et non contradictoire. »

Lire le communiqué de la Cour de cassation, l’avis de l’avocat général et la décision sur le site de la Cour.

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