Droits des justiciables : Condamnation de la France par la CEDH

, par Valérie Marchand

L’affaire concerne les effets sur le droit à un procès équitable, au sens de l’article 6 de la Convention, d’une personne condamnée pénalement en première instance de la communication tardive des motifs de sa condamnation.
En l’espèce , le requérant a dû attendre 15 mois pour recevoir le jugement intégral de condamnation pénale, ce qui a affecté sa capacité à apprécier s’il devait maintenir son appel.

  • Lien vers l’arrêt :AFFAIRE GARCIA Y RODRIGUEZ c. FRANCE
    Extraits
    31. Il n’en reste pas moins que, condamné en première instance notamment, à une peine de trois ans d’emprisonnement, le requérant se trouvait confronté au choix suivant : soit interjeter appel, en prenant le risque d’un appel incident du ministère public, susceptible de conduire à l’aggravation de son sort ; soit ne pas interjeter appel au vu de ce risque, et renoncer en conséquence à la possibilité d’une relaxe ou d’une atténuation de son sort. Dans cette opération complexe de mise en balance, l’évaluation des chances de succès d’un appel joue un rôle essentiel. Or une telle évaluation ne peut se faire utilement sans la connaissance de l’intégralité des motifs de la décision ayant prononcé la condamnation.
    32. La Cour relève ensuite que le droit français a évolué postérieurement aux faits de l’affaire Baucher. Dans sa version applicable en l’espèce, issue de la loi no 2004-204 du 9 mars 2004 (paragraphe 17 ci‑dessus), l’article 500-1 du code de procédure pénale prévoyait ainsi la caducité des appels incidents en cas de désistement par le prévenu de son appel principal intervenant dans un délai d’un mois. Toutefois, sans qu’il soit besoin de rechercher si un tel mécanisme suffit à préserver les droits du prévenu au regard de la jurisprudence précitée, la Cour considère qu’une personne qui n’a pas connaissance de l’intégralité des motifs du jugement le condamnant n’est pas plus en mesure d’évaluer correctement l’intérêt qu’il pourrait trouver à se désister de son appel pendant que l’intérêt qu’il pourrait avoir à interjeter appel. Or en l’espèce, le requérant n’a pris connaissance de l’intégralité des motifs du jugement de première instance que le 11 octobre 2013, soit plus d’un mois après son appel. Si, au vu de ces motifs, il avait finalement estimé préférable de se désister de son appel, ce désistement serait intervenu trop tard pour entraîner la caducité de l’appel incident du ministère public et éviter ainsi le risque d’une aggravation de son sort.
    33. Sur ce dernier point, la Cour note que si l’arrêt de la cour d’appel de Chambéry du 12 mars 2014 a atténué la peine infligée au requérant en raison de son âge avancé et de sa santé déficiente, il l’a reconnu coupable de faits pour lesquels il avait été relaxé en première instance, ce qui, d’après l’avocat général devant la Cour de cassation, constituait une aggravation de son sort (paragraphe 15 ci-dessus).
    34. La Cour relève en outre que la situation dans laquelle s’est trouvé le requérant n’est pas conforme au droit français qui requiert que les originaux des jugements, contenant les motifs et le dispositif, soient déposés au greffe du tribunal au plus tard dans les trois jours du prononcé du jugement (paragraphe 17 ci-dessus).
  • A cette occasion, la CEDH insiste sur l’importance d’un accès rapide (des parties) à la motivation des décisions de justice : un tel accès est au service non seulement "des droits des justiciables" mais aussi "de l’acceptabilité de la justice".

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