Prostitution et pénalisation du client : La CEDH va statuer.

, par Valérie Marchand

La Cour Européenne des Droits de l’Homme a indiqué le 12 avril qu’elle examinerait les 261 requêtes émanant de travailleuses-eurs du sexe, opposés à la loi de 2016, qui lui ont été transmises en décembre 2019. L’affaire ayant été enregistrée, la Coura demandé au gouvernement français de répondre, ce qui laisse présager un arrêt de sa part.
C’est la première fois que la Cour accepte d’examiner la pénalisation de la prostitution entre adultes consentants.

Suite à la décision du 1er février 2019 du Conseil constitutionnelde valider la pénalisation des clients prévue dans la loi Prostitution de 2016, 261 travailleuses-eurs du sexe exerçant en France et 19 associations ont décidé de saisir la Cour européenne des droits de l’Homme le 19 décembre 2019 , pour faire reconnaître l’atteinte à leurs droits fondamentaux : droit à la santé et à la sécurité et droit au respect de la vie privée. Ils dénoncent « les conséquences dramatiques de la pénalisation des clients et des politiques répressives à leur endroit », estimant qu’en France le gouvernement et les institutions « nient leur vie » et « restent sourds aux violences de leur politique ».

La loi du du 13 avril 2016 a abrogé le délit de racolage, mais a instauré la verbalisation des clients – avec une amende de 1 500 euros pouvant aller jusqu’à 3 750 euros en cas de récidive –, parfois complétée par un stage de sensibilisation.
Adoptée il y a tout juste cinq ans, cette loi avait été contestée devant le Conseil d’État et le Conseil Constitutionnel par le biais d’une QPC
>>>Lire notre article

La loi avait fait en outre l’objet d’un rapport très sévère, en décembre 2019, établi conjointement par l’ Inspection Générale des Affaires Sociales, l’ Inspection Générale de l’ Administration , et l’ Inspection Générale de la Justice ( voir notre article) et elle reste aujourd’hui encore très critiquée.

  • Extrait d’un article du monde, daté du 13 avril : "Pour les « abolitionnistes », le texte est mesuré mais son application est insuffisante. Les « réglementaristes » estiment au contraire que la pénalisation des clients pèse sur la sécurité et la vulnérabilité des professionnelles, également précarisées par la crise sanitaire."

Extraits : GRIEFS

Invoquant les articles 2 et 3 de la Convention, les requérants soutiennent que la loi française qui incrimine l’achat de pratiques sexuelles met dans un état de grave péril l’intégrité physique et psychique et la santé des personnes qui, comme eux, pratiquent l’activité de prostitution. En optant pour une criminalisation de l’achat de services sexuels, la France aurait poussé les personnes prostituées à la clandestinité et à l’isolement. Cela les aurait rendus plus vulnérables face à leurs clients, lesquels se trouveraient plus à même d’être impunément violents à leur égard ou de leur imposer des pratiques à risques, les exposerait davantage au vol, aux agressions, à la stigmatisation et aux risques de contamination, et restreindraient leur accès aux services de prévention, de soins et d’aide à l’insertion.
Invoquant l’article 8, les requérants soutiennent que la répression pénale du recours, même entre adultes consentants et même dans des espaces purement privés, à des prestations sexuelles contre rémunération porte radicalement atteinte au droit au respect de la vie privée en ce qu’il comprend le droit à l’autonomie personnelle et à la liberté sexuelle.

  • Me Patrice Spinoza, l’avocat des requérants, soulignait déjà en 2019 l’absurdité d’une telle mesure : « C’est absurde : on est libre de vendre mais il est interdit d’acheter ».
  • Lire également cet article paru sur le club des juristes.

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