Euthanasie. Leçons d’ici.

, par Aline Beilin

Olivier Falorni, député du groupe "Libertés et Territoires", a profité d’une niche parlementaire pour proposer une modification substantielle de l’encadrement législatif de la fin de vie. La proposition de loi donnant le droit à une fin de vie libre et choisie.

Dans cet épisode se mêlent des questions de forme et de fond.

  • Qu’est ce qu’une niche parlementaire ? Il s’agit d’une journée accordée à un des groupes de parlementaires pour qu’ils proposent des modifications législatives à la discussion et au vote. Mais la discussion et le vote doivent avoir lieu sur la journée, c’est-à-dire que tous les amendements doivent avoir été lus et défendus avant la fin de la séance du jour. Par conséquent si des centaines ou des milliers d’amendements sont déposés, le texte proposé n’a aucune chance d’être adopté.
    En l’espèce, les députés opposés à la proposition de loi ont déposé plus de 3000 amendements, dont 2300 qui émanent de la part de 5 députés du groupe Les Républicains.
  • Toujours sur la forme, une partie des débats a porté sur l’occasion et les conditions du débat parlementaire. Un certain nombre de députés et de personnalités publiques se sont exprimés pour regretter qu’un changement de législation sur la fin de vie soit évoqué dans une niche parlementaire, dans un débat si court qui altère, par définition, le débat lui-même.

Tout cela est bien perceptible dans la vidéo des débats disponible ici.

La comparaison entre les différents textes (initiaux et amendements) peut être observée sur ce document mis à disposition ici.

Didier Sicard, médecin et ancien président du CCNE (Comité consultatif national d’éthique) et auteur d’un rapport intitulé "Penser solidairement la fin de vie" (disponible ici) a estimé que la proposition de loi était inaboutie et insuffisamment réfléchie. Dans le quotidien Libération en date du 8 avril 2021, il fustige un manque de rigueur et de préparation de la proposition de loi.

Michel Houllebecq a lui aussi pris position contre l’euthanasie de manière remarquée. Lire ici.

  • Sur le fond, la proposition de loi introduisait une rupture sur la question de la fin de vie. En effet, depuis longtemps et en dépit de modifications législatives intervenues notamment en 2005 et en 2016, la France a fait le choix des soins palliatifs vs l’euthanasie active. Or ici la proposition de loi avait pour objet d’introduire la possibilité d’une "assistance médicalisée active à mourir" , par administration d’un produit létal. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une enthanasie, qui peut être décidée par toute personne. Ici, il s’agit d’une aide médicale à mourir, donc d’un geste du médecin sur décision de la seule personne concernée.

Dans l’esprit de tous ceux qui défendaient ce texte, déjà proposé en 2018, il s’agit de poser une liberté fondamentale.
Verbatim du débat :
Jean Louis Touraine , professeur de médecine et député LRM : « Les malades en fin de vie viennent de gagner aujourd’hui un droit : le droit d’être entendus, d’être reconnus, d’être écoutés et de pouvoir dire, s’ils souhaitent pouvoir prolonger leur agonie ou y mettre un terme. Ces malades me font penser à ces femmes qui en 1975 ont pu ici même conquérir le droit de décider si elles prolongeaient leur grossesse ou si elles l’arrêtaient. Aujourd’hui les malades en phase terminale de leur maladie peuvent décider s’ils prolongent ou s’ils se dispensent d’agonie. Nous pouvons être heureux de cette avancée humaniste. »

Pour conclure, il faut noter que ce texte est le résultat d’un travail d’un groupe d’études conduit par M. Touraine. S’il a été reproposé ce jeudi 8 avril 2021, si les débats ont été courts, de fait, en réalité cette journée est importante pour le débat démocratique sur la question de la fin de vie. L’adoption de l’article 1 de cette proposition de loi, même si elle ne donne pas lieu à une modification législative dans l’immédiat, aura au moins permis de poser la question d’un geste actif d’aide à la fin de l’agonie. Il marque, en ce sens, une avancée pour toutes celles et tous ceux qui souhaitent que la France s’engage davantage dans une réforme de l’encadrement légal de la fin de vie.

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