Le Conseil d’Etat valide l’élargissement du fichage de police

, par Aline Beilin

Le ministère de l’Intérieur a élargi, par décret, l’usage de trois fichiers utilisés par les services de police et de gendarmerie. Désormais, ceux-ci pourront contenir non seulement les activités estimées dangereuses pour la sécurité publique, mais aussi des opinions politiques, religieuses ou syndicales des citoyens fichés. Le Conseil d’Etat et la CNIL ne s’y sont pas opposés. Mais le débat est-il clos ?

Il s’agit de trois fichiers, utilisés jusqu’ici par la police et la gendarmerie, et qui contiennent aujourd’hui environ 40 000 personnes chacun :

  • le fichier de Prévention des atteintes à la sécurité publique (PASP)
  • le fichier Gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique (GIPASP)
  • le fichier Enquêtes administratives liées à la sécurité publique (EASP), utilisé pour réaliser des enquêtes administratives avant recrutement de personnel au sein de la fonction publique

Le décret pris le 2 décembre et publié le 4 décembre (voir document joint ) autorise la mention non seulement des activités mais des opinions des personnes fichées, et l’inscription de données très précises sur les individus (photos, pseudonymes sur les réseaux sociaux, données de santé, etc). De plus, les personnes morales peuvent désormais être fichées. Les fichiers seront élargis aux possibles atteintes à la sûreté de l’Etat.
Les décrets élargissent aussi l’accès à ces fichiers : le champ de ceux qui ont "le droit d’en connaitre" (agents de renseignements ou magistrats judiciaires), est élargi.

Le ministre de l’intérieur a fondé le décret sur la nécessité de lutter contre le terrorisme.

Lire ici l’article publié sur le site "Next-inpact" qui a alerté sur ces décrets passés inaperçus.

La CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des libertés) a rendu trois avis concernant ces fichiers. Lire l’avis sur le fichier PASP, l’avis sur le fichier Gestion de l’information et enfin l’avis sur le fichier Enquêtes administratives.

Arthur Messaud, porte-parole de l’association La Quadrature du Net, spécialisée dans la défense des libertés publiques, a réagi contre ces décrets : « Nous sommes extrêmement choqués que le gouvernement ait fait ça sans débat public. Nous sommes aussi inquiets : tout ce qui avait été enlevé du fichier Edvige [qui avait fait polémique en 2008], à savoir le fichage des opinions politiques et religieuses, et non plus seulement des activités politiques et religieuses, a été remis. (...) Comme pour la loi sur le renseignement, on a une pratique jusqu’ici illégale que la police convainc le gouvernement de légaliser a posteriori ».

Le juge des référés du Conseil d’Etat a tranché le 5 janvier 2021. Les décisions peuvent être lues ici. Il estime qu’« en l’état de l’instruction, les trois décrets du 2 décembre 2020, qui limitent la collecte et l’accès aux données concernées au strict nécessaire pour la prévention des atteintes à la sécurité publique ou à la sûreté de l’Etat, ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’opinion, de conscience et de religion, ou à la liberté syndicale ».

La réaction des syndicats qui avaient porté l’affaire devant le Conseil d’Etat peut être lue dans un communiqué unitaire à lire ici.

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