Violences policières et contrôles d’identité discriminatoires : Condamnation de l’ État pour "faute lourde"

, par Valérie Marchand

17 jeunes gens avaient déposé une plainte collective au pénal le 17 décembre 2015, dénonçant – entre autres – agressions verbales, physiques et sexuelles lors de contrôles d’identité, ainsi que discriminations et interpellations arbitraires en 2014 et 2016.
Pour ces faits de violences et harcèlement, trois policiers ont été condamnés en avril 2018 en première instance. L’enquête pénale avait permis notamment d’établir que les policiers avaient eu recours à la pratique du "contrôle-éviction", un contrôle d’identité pratiqué au commissariat, à titre préventif. Les policiers, condamnés en première instance à cinq mois de prison avec sursis et à des peines d’amende ont été relaxés en appel le 23 octobre 2020.

Mais les 17 requérants, originaires de l’Afrique du nord ou de l’Afrique subsaharienne, voulaient que soit évoquée et condamnée la pratique du contrôle au faciès, dénoncée par le Défenseur des droits. En 2019, les jeunes Parisiens avaient alors engagé une action civile : C’est la responsabilité civile de l’Etat qui est ici engagée, l’Etat n’étant pas responsable pénalement.

Le tribunal a estimé le 28 octobre que , pour 44 cas , « aucune présomption de discrimination » n’a été « démontrée par les demandeurs » ( source : Le Monde) mais que dans 5 cas « les contrôles sont intervenus sans motif régulier ».

Si la "discrimination systémique" n’a pas été retenue par les juges, « des transports et rétentions au local de police sont intervenus en dehors du cadre prévu par la loi », pour des vérifications d’identité « injustifiées », celle)ci étant "déjà connue".

Des dommages et intérêts conséquents ont été versés à onze des requérants.

  • Pour rappel , cette condamnation fait suite à une condamnation de l’ Etat pour des contrôles d’identité "au faciès" en 2016. Dans des arrêts rendus le 9 novembre 2016, la Cour de cassation avait précisé à quelles conditions un contrôle d’identité peut être qualifié de discriminatoire et peut engager la responsabilité de l’ État.
    Extraits du communiqué de presse :
     "Un contrôle d’identité fondé sur des caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable, est discriminatoire : il s’agit d’une faute lourde qui engage la responsabilité de l’Etat" ;
     "l’Etat a été condamné lorsqu’il n’a pas démontré que la différence de traitement était justifiée par des éléments objectifs"
     Par ailleurs, la Cour de cassation avait précisé le mode de preuve : "hors du contexte du travail, c’est bien à la personne qui s’estime victime de la discrimination d’en faire la preuve. "
    Lien vers le communiqué de la Cour de cassation, et les arrêts du 9 novembre 2016

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