Caméra thermiques ou "intelligentes" : la surveillance sous surveillance

, par Aline Beilin

Avec la crise sanitaire, les caméras thermiques se multiplient dans les aéroports, les entreprises, et plus récemment dans les établissements scolaires. Leur usage est-il justifié par le danger sanitaire ou est-il disproportionné, au regard de l’atteinte aux libertés et au respect de la vie privée ?

  • On souvient de l’émoi des étudiants d’HEC durant la période de confinement. L’école avait requis, pour le passage des examens, l’usage d’une caméra susceptible de scanner la pièce entière et de suivre le mouvement des yeux, d’enregistrer l’étudiant en train de composer et de revisionner les images en cas de suspicion de fraude. Le moyen utilisé était le logiciel Proctorio. En mai 2020, près de 300 étudiants d’HEC, peu coutumiers de la contestation, avaient dénoncé le choix de la direction de leur école. France Inter s’est fait l’écho de cette contestation. A lire ici.
  • La CNIL [1] a rendu le 17 juin 2020 un avis mettant en garde contre d’éventuels abus et rappelant les règles à respecter en cas d’usage. Evoquant les caméras thermiques ou les caméras intelligente, la CNIL avertit : « Leur développement incontrôlé présente le risque de généraliser un sentiment de surveillance chez les citoyens, de créer un phénomène d’accoutumance et de banalisation de technologies intrusives, et d’engendrer une surveillance accrue, susceptible de porter atteinte au bon fonctionnement de notre société démocratique. L’espace public est en effet un lieu où s’exercent de nombreuses libertés individuelles : droit à la vie privée et à la protection des données personnelles, liberté d’aller et venir, d’expression et de réunion, droit de manifester, liberté de conscience et d’exercice des cultes, etc. La préservation de l’anonymat dans l’espace public est une dimension essentielle pour l’exercice de ces libertés et la captation de l’image des personnes dans ces espaces est incontestablement porteuse de risques pour les droits et libertés fondamentaux de celles-ci ».
    Lire l’avis ici.
  • La RATP a mis en place un système de reconnaissance des visages dans la station Châtelet-Les Halle pour évaluer le port du masque dans le métro. Ici les données ne sont ni enregistrées sur la durée ni conservées. Ce sont des données comptables, statistiques, non personnelles.
  • . Le maire de Lisses (91) a installé des caméras thermiques à l’entrée d’un bâtiment municipal et à l’entrée des écoles. Saisi par la Ligue des droits de l’Homme, le juge des référés du Conseil d’Etat a rendu une décision le 26 juin 2020. Dans le bâtiment principal, les données personnelles et de santé ne sont pas enregistrées. La caméra peut être laissée, mais une personne qui refuse de se plier à la mesure ne doit pas être empêchée d’entrer dans le bâtiment. En revanche, la mairie doit cesser l’usage de la caméra à l’entrée de l’établissement scolaire, car les données sont enregistrées et les libertés ne sont donc pas protégées. Lire le communiqué du Conseil d’Etat en pj. Voir sur le site du Conseil d’Etat ici.
  • Cet article publié par France Inter le 2 sept 2020 fait un point utile sur la question.

A l’évidence, c’est bien la question de la conservation et de l’usage des données personnelles qui est posée. Le juge apparaît ici essentiel à la vigilance et à la surveillance des moyens de surveillance.

On peut se rapporter avec intérêt :

  • aux textes de Michel Foucault sur la société de surveillance (un texte extrait de Surveiller et punir, ici). Ecouter Foucault (durée 2’ sur la surveillance ici.)
  • Le panoptique de Jeremy Bentham. Explication ici. Ecouter ici

Notes

[1Commission nationale de l’informatique et des libertés

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