Un point sur l’open data des décisions de justice

, par Valérie Marchand

Modifié par la loi de programmation de la Justice 2018-2022, le régime de la mise à disposition du public des décisions de justice sous forme électronique, souvent évoqué sous le terme d’open data judiciaire, a été précisé par le décret n° 2020-797 du 29 juin 2020, paru au Journal officiel du 30 juin 2020. En voici les principaux éléments présentés sur le site Village de la justice

  • Lire également la Déclaration commune, faite le 6 juillet, du vice-président du Conseil d’Etat, de la présidente du Conseil national des barreaux et du président de l’Ordre des avocats aux Conseils.

Ils rappellent la nécessité d’organiser l’open data des décisions de justice, en France, dans des conditions garantissant l’égal accès de tous à la donnée publique et estiment indispensable :
"De « réguler le recours aux nouveaux outils de justice dite prédictive » (recommandation n° 20 du rapport sur l’open data des décisions de justice) et d’assurer le respect des cinq principes de la Charte éthique de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (principe de respect des
droits fondamentaux, principe de non-discrimination, principe de qualité et de sécurité, principe de transparence, principe de maîtrise par l’utilisateur)."

Christiane Féral-Schul " pense que c’est une bonne chose que la jurisprudence soit accessible et partagée. Mais nous avons pu constater que, en l’absence de règles de cadrage, la collecte des données posait problème. Il nous semble donc important que la collecte se fasse sous le contrôle d’une institution réunissant des représentants de la Cour de cassation et du Conseil d’État et du Conseil national des barreaux et que l’on ne se retrouve pas dans une situation de guerre de collecte entre acteurs privés, par des moyens plus ou moins loyaux.". Selon elle, un pré-requis dans tous les appels d’offre lancés auprès d’acteurs privés est nécessaire : le respect des règles éthiques – par exemple celles de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ)

Consulter la Charte éthique européenne d’utilisation de l’intelligence artificielle dans les systèmes judiciaires et leur environnement}

Elle ajoute également que le droit au respect de la vie privée des personnes visées dans les décisions de justice doit être davantage garanti et s’inquiète "d’un dispositif qui laisse au juge une marge d’appréciation trop importante, sans laisser aux parties ou aux tiers la possibilité de contester la décision d’occultation ou de non-occultation."
La loi prévoit que les noms et prénoms des personnes physiques, des parties et des tiers doivent être systématiquement anonymisés, mais d’autres éléments identifiants peuvent être occultés par le juge lorsque la divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou à la vie privée de ces personnes ou de leur entourage. [1]

Elle exprime par ailleurs des réserves sur les résultats produits par les algorithmes exploitant l’open data et appelle à une vigilance concernant trois points

"Le premier, ce sont les biais. Quand un juge rend une décision, elle peut être impactée par sa culture et différentes spécificités, mais cela s’exprime un contexte particulier. En revanche, quand le concepteur développe un algorithme, les biais seront introduits dans son code et seront reproduits à l’infini."

Le deuxième point porte sur la nécessité de former les jeunes magistrats et avocats à "contrer une analyse faite par un traitement algorithmique, en la critiquant" et donc à opérer un revirement de jurisprudence. ’Il est important de développer l’analyse critique des professionnels du droit pour ne pas subir un effet performatif.’

Le troisième point concerne la spécificité du droit français pour lequel la règle de droit l’emporte sur la jurisprudence. Elle craint une perte de la force de ce droit continental "au profit de la common law où l’influence de la jurisprudence est décisive."

Notes

[1Le décret du 29 juin 2020 prévoit que le recours contre une décision d’occultation ou de non-occultation soit porté devant un membre de la Cour de cassation désigné par le premier président, ce qui est selon C. Féral- Schul, "premier pas vers un véritable régime contentieux de l’occultation tel qu’il était demandé par le CNB."

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