Restriction aux libertés et droits fondamentaux du salarié dans l’entreprise

, par Valérie Marchand

Dans un arrêt du 8 juillet 2020, la Cour de Cassation a jugé que l’interdiction faite au salarié du port de la barbe, en tant qu’elle manifesterait des convictions religieuses et politiques, caractérisait une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses et politiques du salarié.

Extraits :
"Faits et procédure :
1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 27 septembre 2018), engagé le 14 novembre 2011 en qualité de consultant sûreté, statut cadre, par la société Risk & Co, qui assure des prestations de services dans le domaine de la sécurité et de la défense à des gouvernements, organisations internationales non gouvernementales ou entreprises privées, M. X... a été licencié pour faute grave le 13 août 2013.

2. Soutenant avoir été licencié pour un motif discriminatoire en ce qu’il lui était reproché le port de la barbe, le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 26 novembre 2013 de demandes tendant à la nullité de son licenciement, à sa réintégration et au paiement de diverses sommes indemnitaires."

Après que la justice ait donné gain de cause à l’intéressé en appel, l’employeur s’est pourvu en cassation : la cour a rejeté le pourvoi et a donné raison à la "Cour d’appel qui a déduit à bon droit que le licenciement du salarié reposait, au moins pour partie, sur le motif discriminatoire pris de ce que l’employeur considérait comme l’expression par le salarié de ses convictions politiques ou religieuses au travers du port de sa barbe, de sorte que le licenciement était nul en application de l’article L. 1132-4 du code du travail."

Il a été en premier lieu rappelé par la Cour, sur le fondement des articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rédaction applicable, et L. 1133-1 du Code du travail, mettant en œuvre en droit interne les dispositions des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché.

Le règlement intérieur de l’entreprise ne peut donc contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. Il a été affirmé par ailleurs que "l’employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communauté de travail l’ensemble des libertés et droits fondamentaux de chaque salarié, peut prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise (ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur), en application de l’article L. 1321-5 du Code du travail dans sa rédaction applicable (faits antérieurs à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ayant créé l’article L. 1321-2-1 du Code du travail), une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors cependant que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients."

Aucune clause de neutralité n’était présente ni dans le règlement intérieur, ni dans une note de service, ce qui a conduit la cour de cassation à rejeter le pourvoi.

>>>Lire l’ arrêt

Lire sur le site Lexisnexis.fr : Résumé de l’arrêt et avis de l’expert : Bernard Bossu, professeur à l’université de Lille et directeur du LEREDS (CRDP) :

Sur la question de la clause de neutralité présente dans un règlement intérieur , on peut se rapporter l’article du site sur l’affaire Baby- Loup :
La décision de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 25 juin 2014 (n° 13-28.369), approuve la cour d’appel d’avoir admis que l’association avait pu restreindre par son règlement intérieur la liberté pour ses salariés de manifester leur religion, et que le licenciement de l’intéressée « était justifié par son refus d’accéder aux demandes licites de son employeur de s’abstenir de porter son voile et par les insubordinations répétées et caractérisées décrites dans la lettre de licenciement et rendant impossible la poursuite du contrat de travail ».

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