Quel statut pour le "parent de fait" d’un couple homosexuel ?

, par Aline Beilin

La loi bioéthique, en cours d’adoption, devrait permettre l’établissement d’une double filiation de l’enfant né d’un couple de femmes. Or, l’établissement de la filiation a pour effet d’octroyer l’autorité parentale. [1] Pour l’heure, lorsqu’un couple de femmes a eu un enfant, la filiation maternelle est établie avec celle qui a accouché. Seule l’adoption permet d’établir un lien de filiation entre celle qui n’a pas accouché et l’enfant. En l’absence de filiation adoptive, si le couple se sépare, "parent d’intention" ou "parent de fait" n’a pas l’autorité parentale. Il n’a ni droits ni obligations.
Le juge aux affaires familiales dispose alors d’un article du Code civil qui l’autorise à fixer des modalités de relations entre l’enfant et le "tiers". Il s’agit de l’article 371-4 du Code civil, en son alinéa 2, selon lequel, « si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l’un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables ». (lire l’article 371-4 du code civil ici)
Cet article peut servir à fixer les droits de visite et d’hébergement des beaux-parents des enfants de parents divorcés.

Une décision de la Cour de cassation du 24 juin 2020 a précisé la portée de cet alinéa de l’article 371-4 du Code civil, concluant qu’il n’est ni inconstitutionnel ni inconventionnel. Autrement dit, il est conforme à la Constitution et aux Conventions que la France a signé et ratifié (notamment la Convention internationale des droits de l’enfant, CIDE, et notamment son article 3 § 1 La Convention internationale des droits de l’enfant .
L’arrêt de la Cour de cassation peut être consulté sur le site de la Cour de cassation.

En l’espèce, il s’agit d’un couple de femmes qui s’est séparé deux ans et demi après la naissance de l’enfant. La mère ne veut pas que son ancienne compagne conserve des liens avec l’enfan (son enfant, en droit). Celle-ci est la parente de fait, ou parente d’intention : elle (elle est donc demanderesse) a engagé une action en justice pour obtenir qu’un juge statue sur le maintien des liens et fixe les modalités de ces liens. C’est la compétence du juge aux affaires familiales. La cour d’appel de Rennes a rejeté ses demandes. Elle a formé un pourvoi en cassation. Ce pourvoi a été rejeté le 24 juin 2020.
Dans son pourvoi, la demanderesse reproche à l’article 371-4 du code civil ne déroger aux obligations de nature conventionnelle de la France dans la mesure où l’article ne dit pas que le maintien du lien doit être le principe, et la rupture de la relation l’exception. Elle fonde sa demande sur l’article 8 de la ConvEDH sur le droit au respect de la vie privée et familiale.
Mais la Cour de cassation rappelle ici le droit, rien que le droit : pour qu’une autorité parentale soit reconnue, il faut que la filiation soit établie, au besoin au besoin de l’adoption.

Un article du site Dalloz fait le point sur cette décision. A lire ici.

Notes

[1L’article 371-1 du Code civil dispose « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. »

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