Le secret médical doit-il être absolu ?

, par Aline Beilin

Le Parlement a adopté mardi 21 juillet 2020 un loi autorisant les médecins et les personnels de santé à déroger au secret médical lorsqu’ils estiment qu’une patiente victime de violences par conjoint est en "danger immédiat". Lire l’article du Monde du 21 juillet 2020 ici

Le personnel de santé, et le médecin au premier chef, est en effet soumis au secret médical. Le principe reste donc le secret médical, garant de la confiance du patient envers son médecin. L’obligation du médecin est un droit du patient.

  • Le code de la santé publique dispose en effet : « Le secret professionnel institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris » (article R.4127-4).
  • L’ordre des médecins, garant de la déontologie du corps médical, a réuni l’ensemble des obligations du médecin dans un code de déontologie.
  • Le code pénal punit d’ailleurs le non-respect du secret médical par la médecin. L’article 226-3 dispose : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
  • la loi prévoyait déjà que le médecin puisse déroger au secret médical s’il constate qu’un mineur ou une personne vulnérable a subi des sévices : « Lorsqu’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, il alerte les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience. » (article
    Article R4127-44 du code de la santé publique).
  • Le texte adopté mardi au Sénat contient plusieurs dispositions. Le site du Sénat les recense ainsi :

« Cette proposition de loi a pour objectifs de mieux reconnaître les violences conjugales sous leurs différentes formes et de renforcer les dispositifs de prévention et de protection des victimes.

Le texte transmis au Sénat comporte 22 articles tendant notamment à :
o autoriser le juge à suspendre le droit de visite et d’hébergement à l’égard des enfants pour les personnes placées sous contrôle judiciaire, durant la phase d’enquête ou d’instruction (art. 3) ;
o interdire le recours à la médiation civile ou pénale en cas de violences ou d’emprise (art. 4 et 5) ;
o décharger les enfants et petits-enfants de l’obligation alimentaire qu’ils ont à l’égard de leur parent condamné pour violences conjugales (art. 6) ;
o porter à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende les peines encourues en cas de harcèlement sur conjoint lorsque celui-ci a conduit la victime à attenter à sa vie (art. 7) ;
o permettre au médecin de signaler aux autorités compétentes des faits de violence exercées au sein du couple lorsque lorsqu’il existe des éléments laissant craindre que la victime majeure se trouve sous l’emprise de leur auteur et qu’elle est en danger immédiat (art. 8). »

Les autorités compétences sont le Procureur de la République, qui détermine les suites à donner (Code de procédure pénale, article 40 et suivants)

Le texte de loi peut être lu ici.

Reste la très délicate question de l’évaluation de l’emprise. On peut aussi reposer la question majeure : une telle mesure ne joue-t-elle pas finalement contre l’émancipation et à l’autonomie des femmes victimes ? C’est du moins le point de vue formulé par certaines féministes, ou par le conseil de l’ordre des sage-femmes, qui regrettent que les femmes ne demeurent pas les seules à décider pour elles-mêmes. L’Etat doit-il protéger les individus contre eux-mêmes ? ...

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