Cathédrales de Paris et Nantes : qui doit payer ?

, par Aline Beilin

Après Notre-Dame de Paris le 15 avril 2019, la cathédrale de Nantes a subi le 18 juillet 2020 un incendie destructeur. L’occasion de revenir sur la question de la propriété des lieux de culte.
Si en effet "la République ne reconnait, ne salarie ni ne subventionne aucun culte"(article 2 de la Loi du 9 décembre 1905, dite loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat), pourquoi la charge de réparation des cathédrales endommagées incombe-t-elle à l’Etat ? Explication.

La loi de 1905 a mis fin au régime du concordat de 1801 (sauf dans trois départements alsaciens mosellans où il est toujours en vigueur). [1].
A partir du 1er janvier 1906, les dépenses liées à l’exercice des cultes ont donc été supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes. Les cultes (concordataires, "reconnus") ont été priés de constituer des associations cultuelles qui assureraient l’exercice du culte.
Mais la loi de 1905 a ravivé le conflit entre l’Etat français et la papauté : l’Eglise catholique a refusé, à la demande du Pape, de créer ces associations cultuelles, tandis que les Protestants et les Juifs ont accepté. De ce fait, des lieux de culte protestants et juifs construits avant la loi de 1905 appartiennent aux conseils presbytéraux ou aux consistoires israélites (en 2015, il existait 600 synagogues appartenant à des consistoires juifs) [2]. Quid des édifices catholiques ? Ceux-ci ont été progressivement mis sous séquestre dans l’attente d’une nouvelle loi...

Dans un souci d’apaisement, le gouvernement Clémenceau a fait voter le 2 janvier 1907 la loi concernant l’exercice public des cultes est promulguée (disponible sur le site legifrance) dispose que les églises paroissiales construites avant la loi de 1905 deviennent propriété des communes et sont affectées à titre gratuit aux diocèses qui ont maitrise l’utilisation, de manière exclusive et perpétuelle. L’article 5 de la loi du 2 janvier 1907 stipule :
« A défaut d’associations cultuelles, les édifices affectés à l’exercice du culte, ainsi que les meubles les garnissant, continueront, sauf désaffectation dans les cas prévus par la loi du 9 décembre 1905, à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion. »
La circulaire d’application, datée du 3 février 1907, peut être lue ici.

Autrement dit, les églises sont propriété des communes ou des départements.

Mais les départements ne pouvaient ni ne souhaitaient assumer les cathédrales. C’est pourquoi les cathédrales construites avant 1905, au nombre de 87, sont devenues propriété de l’Etat, le fonctionnement courant restant en revanche à la charge de l’Eglise. Les autres cathédrales sont propriétés de communes ou de régions. La cathédrale d’Evry, contemporaine, est en revanche propriété du diocèse.

Ce sont donc l’Etat, les communes ou les départements qui sont propriétaires des lieux de culte catholiques bâtis avant 1905. Les édifices font partie du domaine public de la commune ou de l’Etat, dont les caractéristiques en droit sont l’inaliénabilité, l’imprescriptibilité et l’insaisissabilité. Mais les communes ou l’Etat n’en ont pas la jouissance en raison du principe d’affectation légale : les lieux de culte doivent être assignés à l’exercice du culte.
Le Conseil d’Etat a été amené ensuite à préciser les contours de cette affectation : la mise à disposition est une affectation légale, gratuite, permanente, perpétuelle.

Le rapport remis au Sénat le 17 mai 2015 sur "les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte" peut être lu ici.

Notes

[1Dans la régime du Concordat, l’Etat a la charge de construire et entretenir les lieux de culte, et de salarier et loger le clergé des quatre cultes reconnus (les cultes présents à l’époque en France : le catholicisme, le protestantisme luthérien ou calviniste, le judaïsme)

[2Source : rapport du sénat Les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte, 17 mai 2015, Hervé Maurey

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