Terrorisme : la publicité du procès en question

, par Aline Beilin

Faut-il limiter ou nier la publicité des débats au nom de l’ordre public d’une part et du respect des victimes d’autre part ? Le principe qui prévaut en droit, au pénal, est la publicité des débats : la justice, rendue au nom du peuple, doit être rendue publiquement (lire sur le site Vie publique). Dans le cas de procès de militants d’une cause politique, qui ont commis une infraction pénale au nom d’une idéologie ou d’une croyance, le procès peut devenir une tribune, un porte-voix. Historiquement, certains courants contestataires l’ont même théorisé.

  • Dans le procès de l’attentat de Christchurch, le juge néo-zélandais a fait le choix de la restriction de la publicité des débats. Brendon Tarrant, suprématiste blanc, auteur des attentats contre les mosquées de Christchurch en Nouvelle-Zélande en mars 2019, est jugé fin août 2020 : il est accusé de 51 meurtres et de 40 tentatives de meurtre ; les faits sont qualifiés de terroriste. Le juge Cameron Mander a imposé d’importantes restrictions à la couverture médiatique des débats : il ne voulait pas que l’accusé se serve de son procès comme d’une tribune politique. Ainsi les journalistes qui assistent au procès sont soumis à cette restriction voulue par le président de la cour. Lire ici
  • La France a fait un autre choix avec le procès des attentats de janvier 2015. Du 2 septembre au 10 novembre 2020 se tient à Paris le procès de 14 accusés de chef d’inculpation terroriste dans le cadre des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher de janvier 2015 (Qui sont-ils ? Voir ici). Le procès sera public : si l’accès à la salle d’audience est limité pour des raisons matérielles, les journalistes peuvent se faire l’écho des débats en direct, via les tweets, et le procès sera filmé pour l’histoire. Eléments d’explication.
  • Des images pour l’histoire. De manière tout à fait exceptionnelle, la cour d’appel de Paris a autorisé que le procès de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher soit filmé. Lire ici. Cette solution permet à la fois de conserver une trace du procès — une mémoire, matière pour l’historien de demain — tout en ne perturbant pas la sérénité, même relative, des débats. Et tout en évitant que le procès ne devienne une tribune. Mais les images captées ne sont visibles que par les historiens.
  • Mais le principe demeure l’interdiction. L’article 38ter de la Loi de 1881 sur la liberté de la presse dispose que « dès l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires, l’emploi de tout appareil permettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image est interdit. Le président fait procéder à la saisie de tout appareil et du support de la parole ou de l’image utilisés en violation de cette interdiction. » ( voir ici).
    Le Conseil constitutionnel a rappelé dans une décision rendue en décembre 2019 en réponse à une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) : en l’espèce la direction du journal Paris Match, condamnée à 2000 euros d’amende pour avoir publié deux photos prises illégalement lors du procès d’Abdelkader Merah en 2017, souhaitait obtenir de la haute cour un assouplissement du principe de non captation d’images. Lire ici.
  • Dans cette décision du 9 décembre 2019, le Conseil constitutionnel rappelle que les journalistes peuvent cependant tenir informé le public, au moyen de technologie qui ne nuisent absolument pas à la sérénité des débats. On peut en déduire que les journalistes sont autorisés à tweeter depuis la salle d’audience. Lire ici
  • Ce sont les dessinateurs d’audience qui permettent de conserver trace des procès d’assises.
    Dans cet épisode de la chronique Dans le prétoire, diffusée sur France Inter, évoque l’histoire de cette interdiction, et donne la parole à l’aquarelliste Matthieu Boucheron, qui croque pour France Inter le procès des attentats de janvier 2015. On trouvera ici ses dessins réalisés le jour de l’ouverture du procès.A voir ici
    La bibliothèque publique d’information (BPI) du Centre Georges Pompidou en dit plus sur le dessin d’audience, dans une page intitulée "Traits de Justice" http://traitsdejustice.bpi.fr/home.php?id=1#contenu

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)