Peut-on défendre une politique pénale sans porter atteinte à l’indépendance du parquet ?

, par Aline Beilin

Deux services du ministère de la Justice [1] ont cosigné une circulaire sur la régulation carcérale le 20 mai 2020. Les parquets sont enjoints à ne plus mettre à exécution certaines peines d’emprisonnement, d’une durée inférieure à 6 mois, alors même que les magistrats du siège auraient prononcé une peine d’emprisonnement.

On peut y lire notamment : « En cohérence avec les dispositions de la loi de réforme de la justice [2]. qui prohibe le prononcé des peines d’emprisonnement de moins d’un mois, les écrous inférieurs ou égaux à un mois ne seront pas mis à exécution. Les peines inférieures ou égales à 6 mois d’emprisonnement fermes dont l’aménagement n’a pu avoir lieu devront faire l’objet d’un nouvel examen en application de l’article 723-15 du code de procédure pénale ».
La Circulaire peut être consultée ici.

Certains magistrats du parquet, et des organisations syndicales de magistrats (Unité Magistrats) considèrent qu’il s’agit là d’une atteinte à l’indépendance du parquet.
Cet article du Figaro expose les enjeux de la circulaire, et la saisine du Conseil d’Etat par un syndicat de magistrats.

Durant le confinement, plus de 12000 remise en liberté anticipées ont été prononcées : il s’agissait pour l’administration pénitentiaire d’éviter la propagation du virus dans des lieux de détention surpeuplés. Le taux d’occupation a été ramené à près de 100 %, autant dire à ce qui devrait être la norme. Au 24 mai, la Chancellerie comptait 58.926 détenus, soit 13.649 de moins par rapport au début du confinement. Voir nos articles à ce propos Covid-19. La prison ou le confinement dans le confinement. Ep 3

La circulaire du 26 mai 2020 est motivée par le fait de ne pas se réinscrire dans une logique de surpopulation carcérale. Le ministère de la justice argue, de son côté, évoque le caractère non contraignant de la circulaire pour se défendre de porter atteinte à l’indépendance des magistrats du parquet.

Affaire à suivre avec la décision du Conseil d’Etat.

Notes

[1la Direction des affaires criminelles et des grâces et par la Direction de l’administration pénitentiaire

[2La loi de programmation de la justice 2018-2022 du 23 mars 2019 introduit une nouvelle échelle des peines en matière pénale. Elle est entrée en vigueur début avril 2020, pendant le confinement

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