Affaire du Médiator : les laboratoires jugés pour tromperie et homicide involontaire

, par Aline Beilin

L’affaire du Mediator commence en 2010. La molécule de benfluorex est commercialisée par le laboratoire Servier entre 1976 et 2009 sous le nom de MEDIATOR®. En 1974, le laboratoire Servier obtient l’Autorisation de mise sur le marché (AMM). Il vend son médicament à des malades en surcharge pondérale, comme coupe-faim. Mais le médicament censé soigner se révèle un poison (rappelons à cette occasion qu’en grec, le terme de pharmakon signifie à la fois remède et poison). Le taux de malades prenant ce médicament et développant des pathologies cardiaques est élevé et alerte le corps médical.

C’est Irène Frachon, du CHU de Brest, qui a permis à cette affaire de voir le jour. En 2010, elle publie Mediator 150 mg : combien de morts ? pour dénoncer les risques engendrés par la prise de ce médicament, des risques mortels pour certains patients. Elle agit là comme lanceuse d’alerte.
Elle a publié sur yt quelques vidéos qui expliquent son combat. <A voir ici>
<A voir aussi là>

L’affaire sanitaire et judiciaire est déjà ancienne. Dès 2010, des plaintes émanent de patients ou de familles de patients, mais aussi de la Fédération nationale de la mutualité française. En effet, les mutuelles ont du rembourser les soins afférents aux effets du Mediator et sont, de ce fait, partie civile. Elles entendent récupérer tout ou partie des fonds avancés, sous la forme de dommages et intérêts.
Du côté des victimes et des familles de victimes, il s’agit d’obtenir réparation. Pendant longtemps, M. Servier, aujourd’hui décédé, a mené un combat médiatique et judiciaire pour invalider leur parole.

L’affaire a fait l’objet d’un film, La Fille de Brest, d’Emmanuelle Bercot, sorti en 2016. <voir la bande annonce ici>

Aujourd’hui, le temps semble venu pour les laboratoires Servier d’être sanctionné pour tromperie aggravée et homicide involontaire par négligence. M. Servier étant décédé, c’est Jean-Philippe Seta, numéro 2 des laboratoires Servier, qui assume la responsabilité pénale de l’entreprise. Le procès en correctionnelle s’est ouvert le 23 septembre 2019. Un procès long, pour 2777 parties civiles, défendues par 330 avocats.
Lire l’article du Monde daté du 23 juin 2020. L’article relate avec précision le réquisitoire de la procureure.

Le laboratoire n’assume pas seul la responsabilité pénale de la mise sur le marché d’un médicament (défini par l’article L. 5111-1 du Code de la santé publique) [1]
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM, anciennement Afssaps) est mise en cause pour négligence notamment. En effet, l’agence a en charge la pharmacovigilance : elle doit délivrer et retirer des autorisations de mise sur le marché, en fonction de l’évaluation fine des risques pour le patient. Dans l’affaire du Mediator, l’ANSM (Afssaps) est mise en cause depuis 2013.

Notes

[1« toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique »

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