Affaire Karachi : des condamnations à de la prison ferme pour un délit financier

, par Aline Beilin

Des condamnations fermes prononcées en première instance contre de hauts responsables politiques dans une affaire financière de rétrocommission. Ils étaient membres du réseau K.

Quelques mots sur l’affaire.
Historiquement, il s’agit de l’affaire des frégates d’Arabie Saoudite et des sous-marins du Pakistan. En 1994, la France signe avec l’Arabie Saoudite et le Pakistan un contrat d’armement Ce type de contrat s’accompagnait souvent de commissions, des pots de vin alors légaux (devenus illégaux depuis). Ce ne sont donc pas ces commissions que le parquet reprochait aux prévenus mais la rétrocommission.
On parle de rétrocommission quand la commission versée pour un marché est plus importante que la somme demandée en guise de "pot-de-vin" par un intermédiaire et qu’une partie de la somme est rétrocédée au donneur, ici la France. Ici, les intermédiaires constituaient un réseau dit réseau K. En l’occurrence, les sommes qui ont transité par des paradis fiscaux ont servi à financer la campagne présidentielle d’Edouard Balladur de 1995. Le parquet estime entre 6 et 10 millions de francs les sommes en jeu.

Or ce volet financier de l’affaire se double d’un volet anti-terroriste, car le 8 mai 2002 a eu lieu à Karachi, ville du sud du Pakistan, un attentat suicide visant un car de français, en représeilles de ce contrat et de la rétrocommission. Cet attentat a provoqué la mort de 14 personnes, dont 11 employés français de la Direction des constructions navales (DCN). Le dossier terroriste est encore à l’instruction. Mais plusieurs hypothèses sont étudiées, et notamment l’hypothèse islamiste et l’hypothèse de représailles en raison du non-versement des commissions dues au Pakistan.

Petite vidéo explicative ici

Le jugement...
La justice a tenu à sanctionner les prévenus qui, selon le procureur financier, ne pouvaient ignorer « l’origine douteuse » des sommes versées pour le financement de la campagne présidentielle.
Le jugement fait mention d’une « une atteinte d’une exceptionnelle gravité à l’ordre public économique et en la confiance dans le fonctionnement de la vie publique » (source Le Monde du 15 juin 2020). Une acception intéressante de la notion d’ordre public.

Les personnes condamnées sont des hauts fonctionnaires, de l’entourage proche de grands responsables politiques.
Quant à Edouard Balladur et Philippe Léotard (ministre de la Défense entre 1993 et 1995), mis en cause pour « complicité d’abus de biens sociaux », ils ne peuvent être jugés que par la Cour de Justice de la République, seule juridiction habilitée à juger des ministres pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions. E. Balladur a 90 ans, et le jugement interviendra 25 ans après les faits... Lire le Monde du 20 mars 2020
Car cette affaire est aussi emblématique du point de vue des délais de justice... L’enquête n’a démarré qu’en 2010 et les jugements ont eu lieu en 2019 et 2020, pour des faits survenus en 1994.

Dans cet entretien diffusé sur le site de France 24, Fabrice Arfi, journaliste à Médiapart et auteur de "Le sens des affaires" revient sur les affaires politico-financières qui ont défrayé la chronique ces dernières années. <https://www.france24.com/fr/2014102...>

On peut aussi voir le documentaire "L’argent, le sang et la démocratie", de Fabrice Arfi et Christophe Klotz

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