Covid-19. Santé et libertés publiques. Ep 1. L’instauration d’un état d’urgence sanitaire

, par Aline Beilin

Le 22 mars dernier, le Parlement a adopté une loi instaurant un étatd’urgence sanitaire pendant deux mois. Le texte de loi publié au journal officiel le 24 mars dernier, peut être consulté ici.

Cet article du Monde en date du 23 mars permet d’en saisir le contenu (lire ici). Le premier ministre peut désormais gouverner par décret pour limiter légalement les libertés. Au premier chef, il s’agit de la liberté de circuler des personnes, la liberté de se déplacer, d’aller et venir. Mais au-delà ce sont la liberté de commerce, de déplacement, d’exercice d’une activité professionnelle, la liberté de culte qui sont remises en question, sur un fondement légal, pour un temps donné et en raison de circonstances d’une exceptionnelle gravité. Voir aussi cette présentation faite par les Décodeurs du monde

Lire ici l’analyse publiée sur le site de Dalloz-étudiant C’est là

Car la liberté d’aller et venir a elle-même pour condition la santé, considérée comme la condition sine qua non de toutes les autres libertés. C’est ainsi que la liberté de circuler peut être légalement restreinte au profit de la santé de tous et de chacun. C’est ce que rappelle dans cet article du Temps la philosophie Corine Pelluchon, spécialiste de la question animale.

La question se pose au pouvoir exécutif, dans le cadre du droit administratif ici. Il faut distinguer des mesures d’exception d’un état d’exception, qui implique de sortir du droit commun. La question fait débat : le droit commun permet de mettre en place des mesures fortes pour lutter contre la pandémie ? Ou bien faut-il sortir du droit commun pour fonder les atteintes aux doits et aux libertés ?

Le droit commun est précis sur la question. Il convient de se rapporter ici au Code de la santé publique, et notamment au titre 3 du livre Ier de la 3ème partie, intitulé « Menaces et crises sanitaires graves »

On peut lire ainsi à l’article L 3131-1 du CSP : « En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l’intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population. »

La difficulté ici est d’obéir à des injonctions paradoxales : maintenir les conditions sanitaires optimales et respecter les libertés. Le Comite Consultatif National d’éthique (CCNE) a d’ailleurs rendu un avis le 13 mars 2020 dans lequel il rappelle le respect des valeurs fondamentales comme la dignité humaine ou l’égalité devant les ressources : » les décisions qui seront prises, « quelle qu’en soit la nature, doivent répondre à l’exigence fondamentale du respect de la dignité humaine », c’est-à-dire que la valeur individuelle de chaque personne doit êtrereconnue comme absolue. » Lire l’avis complet fichier pdf reponse_ccne_-_covid-19_def

Dans cet article publié sur Public Sénat, Dominique Rousseau, Professeur de droit constitutionnel à l’université Paris-I, rappelle que la Constitution de 1958 permet de répondre à une situation exceptionnelle sans recourir ni aux pouvoirs exceptionnels définis à l’article 16 ni à l’état d’urgence défini à l’article 36. Cela dit, il met en garde contre une mise à l’écart, de fait, du Parlement. De ce point de vue, paradoxalement, l’article 16 offrirait des garanties que n’offre pas l’état d’urgence sanitaire actuellement mis en oeuvre. A lire ici

Comme en complément de cette réflexion, l’avocat pénaliste Raphaël Kempf a publié une tribune dans Le monde où il dénonce la décision prise par l’exécutif. Lire ici, publié dans le Monde du 24 mars

Voilà de quoi amorcer une réflexion….

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)