Cour criminelle… Des criminels jugés sans jury populaire

, par Aline Beilin

Notre organisation juridictionnelle a une singularité : les crimes sont jugés en cour d’assises, par un jury populaire. Or l’organisation de ces sessions de cour d’assises est lourde et présentée comme coûteuse, en temps et en argent.
Le gouvernement a souhaité expérimenter des cours criminelles, composées de magistrats professionnels, dans le but de désengorger les cours d’assises et de de raccourcir les délais. L’expérimentation a d’abord été menée dans 7 départements durant 3 ans a débuté le 5 septembre 2019 à Caen, dans le Calvados.
Les cours criminelles départementales sont ainsi devenues compétentes pour juger les personnes majeures poursuivies, hors récidive, pour un crime puni de 15 à 20 ans de réclusion. Le jugement est lalors rendu sans jury, en collégialité, par cinq magistrats professionnels.
L’extension de ces cours criminelles, qui se substituent aux cours d’assises, fait débat. Cela porte atteinte au principe du jury populaire. Or d’une part le jury populaire est une occurrence - au fond assez rare - de la démocratie directe au sein de notre démocratie représentative. Et d’autre part, certains craingnent que la "professionnalisation" des cours d’assises en altèrent le principe et le fonctionnement, à savoir le primat de l’oralité sur l’écrit. D’autres enfin dénoncent une subordination des principes de droit à une politique de gestion de flux, voire à un impératif de gestion tout court.

  • L’expérimentation a été étendue dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire https://www.actualitesdudroit.fr/br.... En mai 2020, le gouvernement a indiqué vouloir étendre la possibilité du recours aux cours criminelles (certes au volontariat) à 30 départements. Il a donc soumis au vote un amendement qui subsitue le nombre de 30 à celui de 10 et qui modifie l’article 63 de la loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022
  • Guillaume Kasbarian, député LREM, a établi dans un rapport remis à l’Assemblée nationale le 12 mai 2020 dans lequel il conclut : « Il ressort des premiers enseignements de l’expérimentation transmis par le ministère de la Justice que la cour criminelle permet de juger les crimes dans des délais plus rapides (avec un temps d’audience plus court), dans des conditions respectant le contradictoire, les droits de la défense et la qualité des audiences et pour un coût de fonctionnement moindre. »
    Le rapport donne des chiffres intéressants.
     2 jours d’audience en moyenne au lieu de 3 jours et demi aux assises
     des peines « d’une moyenne de 10,2 ans d’emprisonnement ferme, pour des peines de 15 à 20 ans de réclusion criminelle encourues
     seuls 8 % des peines d’emprisonnement prononcées étant assorties d’un sursis
     un taux d’appel de 24 % contre 32 % pour les décisions rendues en première instance aux assises
     un coût de fonctionnement moyen « de 1 100 € par jour » contre 2 060 € aux assises.
  • Pour alimenter la réflexion... Denis Fayolle, avocat aux barreaux de Marseille et de Paris, s’oppose dans cet article publié sur Dalloz Actualités au remplacement des jurys populaires par des magistrats professionnels. A lire ici

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)